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Vendredi
16 juin 2000
Enfin, le grand jour est arrivé. Après de nombreux et parfois laborieux
échanges de fax, appels téléphoniques et autres courriers, nos invités
polonais devraient, normalement, arriver ce soir.
Ils sont partis de Juszczyn (province de Bielsko Biala) le jeudi
15 à l'aube. Nous leur avions concocté un itinéraire les faisant
passer par la Belgique où un couple d'amis les attendait, mais ils
ont préféré la ligne directe via la Tchéquie, l'Allemagne et la
France.
Après environ 1600 Km de route, ils ont passé leur première nuit
dans les environs de Lyon avant de reprendre, dès le lendemain la
route longeant la côte vers l'Espagne. Il leur reste encore plus
ou moins 1700 Km d'autoroute avant d'arriver ici, à Almuñecar, où
nous les attendons avec impatience.
Vers 20.00 heurs nous avons de leurs nouvelles, ils se trouvent
à 200 Km de Granada. Selon nos calculs ils devraient donc arriver
chez nous entre 23.00 heures et minuit. Nous préparons la mini-réception
prévue pour les accueillir comme il se doit, en prenant comme exemple
l'hospitalité polonaise.
A la sortie de Granada il faut emprunter la N323 en direction de
Motril et ensuite bifurquer vers Malaga par la droite via la N340
pour aboutir à Almuñecar. Ceci était l'itinéraire que nous leur
avions envoyé.
L'heure passe. Minuit, une heure, deux puis trois heures du matin,
toujours pas de nouvelles de " nos Polonais ". Où sont-ils ? Pourquoi
ne téléphonent-ils pas ? Il nous est impossible de les contacter,
car notre amie ne nous a pas communiqué le tout nouveau numéro d'appel
de son GSM. Notre anxiété monte au fil des heures. Le téléphone
reste muet et l'inquiétude devient presque palpable. Nous nous sommes
installés tous deux dehors à scruter dans la nuit les rares mouvements
des quelques voitures qui passent. Soudain deux paires de phares
qui se suivent, ralentissent et semblent chercher quelque chose.
Plus de doute c'est enfin eux. Ouf ! Je pense bien que nous avons
dépoussiéré devant notre villa tellement notre soupir de soulagement
a été profond.
Nous les assaillons de questions. Nos amis, nous expliquent leur
éprouvant parcours.
Le nombre de kilomètres parcourus, la fatigue aidant et sachant
qu'ils étaient près du but les deux chauffeurs commençaient à épuiser
leur concentration. En sortant de Granada, ils avisèrent un panneau
indiquant un nombre de kilomètres inférieur pour Almuñecar. Ils
s'arrêtèrent pour regarder la carte et faisant fi de nos indications,
sans tenir compte de l'autre inscription : " carretera de montaña
". ils prirent cette route qui allait les amener effectivement chez
nous, mais au travers de la montagne avec tout ce que cela implique
de virages en épingles, de chemins étroits et dans le noir le plus
absolu. Il n'existe aucun éclairage public sur ce parcours. Renata
nous explique :
-" C'était l'horreur ! Nous roulions très lentement, ne voyant que
des ombres gigantesques dans la lueur des phares. Je n'osais tourner
la tête à droite car nous étions sur une corniche, longeant un précipice
dont je ne voyais même pas le fond et cela m'occasionnait un vertige
immense. Je priais tout au long du chemin en tenant serré à deux
mains la médaille de la vierge qui ne quitte jamais la voiture.
Je n'osais plus rien dire pour ne pas affoler mon fils qui était
à l'arrière mais c'est certain que nous n'étions pas sur la bonne
route. Nous devions rejoindre la mer et nous voilà en pleine montagne,
un désert de rochers. Pendant trois heures nous n'avons pas croisé
âme qui vive, pas de maisons, pas même un autre automobiliste. Il
n'y avait même pas de réseau pour le téléphone cellulaire ! J'avais
les yeux rivés sur les feux arrières de la voiture de nos compagnons
de voyage qui nous précédait et eux aussi étaient très peu rassurés
! Lorsqu'enfin nous avons commencé à descendre et rencontrer quelques
habitations, la tension a commencé à diminuer. Puis nous avons traversé
une vallée et avons vu le panneau Almuñecar. J'ai pleuré de soulagement,
même sans voir la mer mais tellement heureuse d'être enfin arrivés
!!! ".
Fatigués mais contents, malgré l'heure tardive les estomacs noués
ne purent avaler quoi que ce soit. Dans l'effervescence des présentations,
des installations, seuls les enfants furent mis aussitôt au lit.
Pendant que nous remplissions les verres, nos amis procédèrent au
déchargement. Je ne sais pas ce qu'ils ont pensé en quittant la
Pologne, mais ils délestent leurs voitures de :
- - environ 10 Kg de saucisses polonaises (kelbasa)
- - ± 70 cannettes et bouteilles d'un demi litre de bière (Zywiec)
- - 24 litres de jus d'orange (au pays des oranges ??)
- - un nombre incalculable de petites (1/2 litre) bouteilles d'eau
minérale
- - une vingtaine de boîtes de pâté de foie de volaille, de goulasch,
pâté de jambon …
- - une certaine quantité, si pas une quantité certaine de rouleaux
de papier WC
- - des assiettes et couverts en plastique, et autres serviettes
pour tout un régiment et tout ceci, sans compter sur ce qu'ils avaient
encore dans leurs bagages et qu'ils ont déballé ultérieurement.
Vers 05.00 heures enfin tout le monde va se coucher car c'est maintenant
que le plus dur va commencer : les vacances !
Samedi 17 juin.
Contre toute attente ils se lèvent assez tôt. Une vilaine odeur
de moisi les attire tous dans la réserve. Première grande déception
: la saucisse n'a pas supporté le voyage, il faudra, malheureusement
en jeter une grande partie. Elle n'était pas fumée ni séchée à fond,
et placée tout simplement dans le coffre à la merci de la chaleur
infernale elle n'a pas tenu le coup. Vers 10.00 heures nous leur
faisons découvrir les environs immédiats, c'est à dire la plage
et ses " chiringuitos " . Il s'agit de petits bars-restaurants où,
comme c'est la coutume dans la région, chaque verre est accompagné
de " tapas ". Ces tapas vont de la simple poignée d'olives à des
choses nettement plus élaborées telles que : portion de paella,
anchois frits, sardines grillées etc… Il est inutile de préciser,
que certains apéritifs ont duré jusque très tard dans l'après midi.
Ils nous racontèrent la Pologne, nous leur dévoilèrent l'Espagne
!
Dimanche 18 juin
Ils accusent seulement maintenant la fatigue du voyage et cette
journée se déroule au ralenti. Comme il n'y a que la rue à traverser
pour être sur la plage, c'est un défilé continu entre la maison,
son frigo, ses boissons fraîches et la plage.
Malgré nos mises en garde ce sont les premiers coups de soleil.
Les peaux d'un blanc laiteux virent soudain au rouge homard bien
cuit. Heureusement les lotions solaires polonaises sont efficaces
aussi en Espagne, ce qui explique que les dégâts soient limités.
Lundi 19 juin
Il est temps de pourvoir au ravitaillement. Ils souhaiteraient aller
dans un supermarché. Nous mettons le cap sur Motril où se trouve
un Alcampo (Auchan). (Nous en avons vu un aussi à Varsovie mais
c'est assez loin de chez eux et ils n'y sont jamais allés.) Ils
se mettent à la recherche de conserves et condiments polonais, mais
sans grand résultat. La cuisine espagnole n'ayant absolument rien
en commun avec la cuisine polonaise. Tant pis, ils s'accommodent
de ce qu'ils trouvent car ils se sont mis en tête de nous faire
manger polonais.
Nos explications quant à l'incompatibilité entre la chaleur et les
assiettes de bouillon, et autres plats de viande en sauce restent
vaines. C'est comme cela que la plupart du temps nous mangerons
la cuisine polonaise. Ils prennent beaucoup de recul face au gazpacho,
soupe glacée et c'est tout juste si je peux leur faire une paella
maison. Ils apprécieront, mais il faut bien avouer que leurs palais
ne sont pas habitués aux calamars, moules et autres fruits de mer.
Seuls les enfants, audacieux, goûtent à tout avec grand plaisir
et de joyeux commentaires.
Le lendemain et jours suivants
Nos invités passent leur temps entre la plage, le parc aquatique
tout proche et autres promenades et lèche-vitrine. Malheureusement
Bogdan, qui s'était blessé à un doigt en Pologne a vu sa plaie s'infecter.
Son épouse avait tout prévu : le savon noir pour enrober les plaies,
le yoghourt pour empêcher l'infection et le produit à faire macérer.
Mais les procédés polonais n'ont pas eu grand effets sur les bactéries
espagnoles, au point d'être obligé d'aller consulter un médecin
qui l'a mis sous antibiotique le privant du même coup des joies
de la baignade et de l'apéritif. (le tout confirmé par contact téléphonique
permanent avec le médecin traitant de Pologne).
Le jour du marché est assez controversé. Finalement, les hommes
emmènent les enfants visiter le parc ornithologique, laissant aux
femmes la liberté des achats. Le marché n'est pas aussi grand que
celui de Nowy Targ en Pologne mais est toutefois très fréquenté
et bien achalandé. A notre grande surprise, nos amies nous apprennent
que beaucoup de choses sont moins chères qu'en Pologne où les prix
grimpent toujours.
Pour la soirée, nous avions réservé une séance flamenco à quelques
kilomètres du village. L'endroit est relativement à l'écart du centre
ville et la terrasse où nous nous trouvons offre une vue splendide
sur la montagne environnante et la vallée englobant des milliers
de cultures d'avocats et chirimoyas. Le barbecue à volonté et le
spectacle sont tout à fait bien. La caméra de Renata tourne sans
relâche, tant et si bien qu'au quart de la représentation elle se
trouve à court de batterie. Nous sommes ravis de voir qu'ils apprécient
les danses et la musique.
Bien qu'ils vivent toute l'année dans une région montagneuse (Entre
Beskides et Tatras), la montagne les attire, on pourrait même dire
qu'elle les fascine, encore plus depuis leur passage nocturne. Nous
nous inclinons devant leurs insistances et programmons la visite
de la " Sierra Nevada ". Nous n'avons malheureusement que très peu
de chance d'encore y voir de la neige (à cette saison et avec cette
chaleur.) Cette montagne se trouve à environ une heure et demi de
route, mais des arrêts photos, pipi et autres achats de cartes vue,
nous font arriver vers le début de l'après midi, moment où le soleil
tape le plus.
Nous arrivons sur le dernier parking de la route la plus haute d'Europe
(paraît-il) à 2500 mètres d'altitude. L'attrait de l'escalade les
attire dans la petite ascension - à pieds - qui doit les amener
à 2.550 mètres à la base de la statue de la Sainte protégeant la
montagne. Ils en profitent pour prier et peut-être la remercier
de les avoir quand même amené à bon port malgré les frayeurs.
L'Espagne c'est non seulement les tapas, la sangria, la Sierra Neveda,
le flamenco, mais c'est aussi et peut être surtout les corridas.
C'est ici qu'une polémique s'installe. Faut-il assister à la corrida
avec les enfants (un garçon de 10 ans et l'autre de 6 ans). Les
cousins de Renata estiment que leur fils de 10 ans est à même de
supporter la vue, assez cruelle pour un non aficonado, et nous demande
de les conduire à Granada où se déroule une des dernières corridas
de la saison. Les spectateurs espagnols leur offrent un accueil
chaleureux, partageant avec eux, un quignon de pain, quelques tranches
de jambon de montagne et autres gorgées de vin de pays. Leur enthousiasme
est séduit tant par le spectacle que par la gentillesse des gens.
Les vacances suivent leur cours et les journée passent beaucoup
trop vite. Nos amis se partagent entre la plage, la sieste ou encore
la dégustation de glaces. C'est ainsi que Renata, qui ayant choisi
une glace d'après une photo du menu, s'est retrouvée derrière un
vase contenant 15 boules et pesant, avec les fruits et la crème
fraîche, environ deux kilos. Elle avait le choix entre la gourmandise
ou l'indigestion !!
J'allais oublier de vous parler du " vino de la costa ". Il s'agit
d'un vin ambré, titrant entre 15 et 17° selon les cas et que l'on
boit à l'apéritif , voire même à tout moment de la journée pour
certains. Je dois bien admettre que je me suis fait malgré moi un
ami. C'est le tenancier de la bodega de Motril où je vais me ravitailler
en vin. Il faut dire que ces deux semaines, j'y suis allé très,
très souvent. Par pudeur je ne dévoilerai pas le nombre (impressionnant)
de litres de vin que nous avons ingurgité….
Les 15 jours arrivent à leur terme. Dans les conversations il est
maintenant déjà question de retour. Ils décident cette fois de rentrer
par la Belgique afin de faire escale, une journée à Disneyland Paris.
Vendredi 30 juin c'est le retour. L'heure de départ était fixée
à 06.00 heures, et c'est seulement avec un quart d'heure de retard
que nous prenons la route. Le premier arrêt pour la nuit est prévu
en France dans les environs de Tours afin de continuer tôt le lendemain
vers Paris. Mais, car je finirai par croire qu'avec les Polonais
il y a toujours un mais, on roule et on roule encore tant et si
bien qu'à minuit nous sommes à Paris. En cours de route, ma compagne
s'occupe de réserver des chambres, car après tout 1.885 Km d'une
seule traite c'est faisable. C'est dur, très dur, mais faisable,
la preuve.. nous l'avons fait (mais je ne pense pas que ce soit
bien prudent). Les polonais, c'est tenace !
Notre petit groupe passe donc une journée inoubliable à Disneyland,
quoique trop courte. Pour ma part quelque peu fatigué, j'avais décidé
de ne pas les accompagner et de me reposer et c'est ce que j'ai
fait. Néanmoins en les entendant s'extasier devant les attractions
du parc, j'ai éprouvé des regrets à ne pas les avoir accompagnés.
Nous quittons Paris pour la Belgique où nos amis devaient normalement
passer le dimanche avec nous et repartir le lundi matin pour leur
Pologne natale. Mais (encore un mais) le plaisir des vacances touche
à sa fin et les réalités de la vie courante refont déjà surface.
Des nouvelles plus ou moins alarmantes au sujet de leur entreprise
les rappellent à rentrer au plus tôt. C'est naturellement que les
deux familles ont repris la route ensemble, coupant ainsi court
à nos dernières prévisions.
Les adieux sont toujours difficiles et c'est a grand renfort de
promesse de se revoir que le dimanche 02 vers 11.00 heures ils nous
quittent pour rentrer chez eux. Des images plein la tête, les coffres
débordant de souvenirs, des quantités de films et photos, c'est
tout bronzés qu'ils reprennent la route récupérant avec eux les
dernières boîtes de conserves polonaises non utilisées.
Maintenant nous attendons l'an prochain avec impatience. Cette première
expérience les a enchantés et les encourage à découvrir un peu plus
le monde hors de leurs frontières. Qui sait, l'Espagne leur donnera
peut être encore l'envie de revenir ?
Vanhoorne Jean-Marie .
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