Nous
sommes au début du mois de juin 2001. La Pologne vient de
battre le Pays de Galles à Cardiff. Lors de la traditionnelle
conférence d'après-match, un homme répond tranquillement
en souriant aux questions des journalistes. Il doit mesurer dans
les 1,77 mètre et son poids avoisine sûrement les 90
kilos. Fort sympathique, il n'hésite pas à être
drôle pour détendre l'atmosphère. Cet homme
est le sélectionneur polonais Jerzy Engel qui, depuis sa
prise de fonction, a donné un nouveau souffle aux Rouges
et Blancs grâce à un talent et une envie de bien faire
hors du commun. Il est considéré aujourd'hui comme
le Messie que toute la Pologne attendait depuis longtemps pour sortir
le Onze national du désarroi dans lequel il se trouvait depuis
plus d'une décennie...
Jerzy Engel est né le 6 janvier 1952 à Wloclawek.
Très vite attiré par le sport en général
et le ballon rond en particulier, il entame une carrière
de footballeur où il portera notamment les couleurs du
club local de Junak Wloclawek, puis celui du AZS AWF Varsovie
et d'un autre club de la capitale, le Polonia. Capable de jouer
tout aussi bien milieu de terrain qu'attaquant, il voit sa carrière
s'arrêter brutalement à cause d'une grave blessure,
sans avoir remporté le moindre succès. Il n'a alors
que 22 ans. En 1975, Engel termine ses études d'entraîneur
et prend en charge le Polonia Varsovie pour la saison 1976/1977.
Viendront ensuite des clubs de 3ème Division, tels que
le Hutnik Varsovie et le RKS Blonie. Il refait une courte apparition
au Polonia Varsovie en 1978, puis prend les rênes du Polonia
Bydgoszcz (1979-1981).
L'année 1982 est un tournant dans sa vie. Le sélectionneur
Antoni Piechniczek l'engage pour superviser les joueurs susceptibles
de participer au Mondial espagnol, où les "Bialo-Czerwony"
feront très bonne impression. Cette expérience lui
permet d'être contacté par le prestigieux club militaire
du Legia en 1985, avec qui il décrochera deux titres de
vice-champion de Pologne en trois saisons. Alors que sa côte
auprès des clubs polonais ne cessait de croître,
"Jurek" décide bizarrement d'aller à...
Chypre afin de tenir en main les destinées d'Apollon Limassol.
Plus tard, il affirmera que ce choix était justifié
par le fait qu'il avait encore des choses à apprendre.
Finalement, il resta 7 ans dans l'île, s'étant occupé
également de Apop Paphos (1990-1991) et de Salamina Larka
(1991-1995). Il revient en Pologne en 1995, Janusz Romanowski
l'ayant désigné manager du Legia. Cela ne dure pas
longtemps, vu qu'il repart pour un an à Chypre. Mais il
reste définitivement en Pologne lorsqu'on lui demande de
gérer avec Dariusz Wdowczyk le Polonia Varsovie (encore
une fois!), avec qui il obtiendra une seconde place au championnat
de la saison 1998-1999. C'est à ce moment-là qu'il
découvre les talents d'un certain Emmanuel Olisadebe...
Engel est tout de suite séduit par sa technique et sa rapidité,
et lui fait signer un contrat avec les "Diables Noirs".
Il ne le regrettera pas par la suite ;) Parallèlement,
le football polonais se dégrade d'un point de vue général.
L'Equipe Nationale reflète ce malaise, aucun succès
important n'ayant été remporté. Les sélectionneurs
défilent mais sans résultats. Fin 1999: Janusz Wojcik
est sous la sellette, la Fédération lui cherche
un remplaçant. Des noms comme Kasperczak, Smuda ou Janas
sont sur toutes les lèvres. Il y a même des étrangers
qui posent leur candidature, tels que le Roumain Iordanescu ou
le Danois Piontek. Quelle ne fut la surprise des médias
polonais lorsqu'il s'avéra que ce sera Jerzy Engel qui
sera à la tête de la "S-Kadra"! Il n'avait
pas pris ses fonctions que déjà il était
critiqué de tous les côtés. Personne ne s'attendait
en effet à ce qu'il réussisse là où
ses prédécesseurs avaient échoué:
redonner des ailes à l'Aigle polonais...
Pour sa première rencontre en tant qu'entraîneur
de la Pologne, Jerzy Engel fait appel à de nombreux joueurs
n'ayant jamais porté le maillot national. L'adversaire
de jour, l'Espagne, forte de la présence de grands noms
(Raul, Morientes, Mendieta notamment) profita du manque d'expérience
des jeunes Polonais pour gagner le match par 3/0. On reprochait
déjà au nouveau sélectionneur ses choix et
son schéma tactique. Néanmoins, "Jurek"
fit la sourde et c'est dans ce climat peu enviable que la Pologne
affronte au début du printemps 2000 les Champions du Monde
et futurs Champions d'Europe, la France de Zinedine Zidane. Et
là, coup de théâtre! Alors que tout le monde
s'attendait à une avalanche de but en faveur des Bleus,
les protégés d'Engel sortent le grand jeu, semant
le doute du côté français. Des Français
qui ne devront leur salut qu'à un tir de "Zizou"
à la 89ème minute, dévié par un défenseur
slave... Mais les matches nuls blanc concédés peu
de temps après face aux modestes Hongrois et Finlandais
ne firent qu'empoisonner davantage les relations entre Engel et
la majeure partie de l'opinion publique. Et pour ne rien arranger,
peu avant l'Euro 2000, les Polonais perdent encore par 1/3 contre
les Pays-Bas. La presque quasi-totalité de la presse s'accorde
à dire qu'Engel doit laisser sa place. Pourtant, Zbigniew
Boniek ne partage pas cet avis, déclarant qu' "Engel
est la seule personne capable de bien assumer le poste de sélectionneur".
Entre-temps, le Polonia Varsovie est sacré champion de
Pologne. Emmanuel Olisadebe est la révélation de
la saison. Engel lui propose de se faire naturaliser, il accepte.
Le match face à la Roumanie vers la mi-août est le
véritable tournant de l'ère Engel. Le match se solde
par un nul (1/1), mais déjà certaines avancées
étaient visibles comme la stabilité du milieu de
terrain. Cela sera confirmé lors de la victoire mémorable
et inespérée à Kiev (1/3). Un résultat
qui ne s'avéra pas être dû à une quelconque
méforme de Shevchenko ou de Rebrov, mais bien au travail
d'Engel, comme le prouvera par la suite le bon parcours polonais
en Eliminatoires de la Coupe du Monde 2002. Jerzy Engel triomphe!
Le sélectionneur polonais est désormais écouté
et apprécié par tous ses concitoyens. Il peut enfin
passer le week-end tranquille avec sa femme Urszula Pulkowska
(plusieurs fois capitaine de l'Equipe Nationale de Basket) et
ses deux enfants, Anna et Jerzy Junior. Entouré par un
staff technique impressionnant ( avec Jozef Mlynarczyk, Wladislaw
Zmuda...), il a su faire revivre la "S-Kadra", même
si Janusz Wojcik ne cesse d'affirmer à qui veut l'entendre
qu'Engel ne fait que tirer profit de ce qu'il avait réalisé
lorsqu'il était à la tête des "Bialo-Czerwony".
Des propos qui ne sont pas du tout justifiés. Qui a fait
confiance aux frères Zewlakow? Qui a découvert Olisadebe?
Non, Engel est un grand entraîneur et nous le soutenons
tous aujourd'hui.
Le parcours en Asie ne fut pas une grande réussite pour
l'équipe nationale polonaise. Comme dans toutes les équipes
du monde, l'entraîneur fut désigné comme responsable
de l'échec et démis de ses fonctions. Début
juillet, Boniek remplace Jerzy Engel. à la tête de
la sélection nationale.Jerzy Engel restera l'homme qui
a permis à la Pologne de retrouver la coupe du monde. C'est
un excellent entraîneur et son avenir est encore prometteur.
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Adam Zohry