L'entraîneur
américain Bruce Arena lève les yeux au ciel. Il
ne sait plus à quel saint se vouer. Nous sommes le 14
juin 2001 à Daejon en Corée. Le match Pologne
Etats-Unis est commencé depuis 10 minutes seulement et
les hommes de Bruce Arena sont menés 2 à 0. Olisadebe
a ouvert la marque au bout de 3 minutes seulement et son compère
de l'attaque, Kryszalowicz a doublé la mise à
la cinquième minute. Incroyable ! Comment une équipe
qui avait encaissé 6 buts en deux rencontres pouvait,
du jour au lendemain, présenter un visage si différent
? Si Bruce Arena avait mieux connu le caractère polonais,
il aurait compris tout de suite. Jerzy Engel avait prévenu
: " Nous allons jouer pour le pays, pour la Pologne "
Après les deux claques encaissées lors des deux
premiers matchs, les Polonais étaient vexés. Pire,
la patrie était en danger ! Et quand la patrie est en
danger, les Polonais savent se ressouder, faire bloc. Engel
avait mis les choses à plat. Une équipe surprise
est sortie de son chapeau. Une équipe amputée
de 5 titulaires qui se croyaient indispensable. A leur place,
pas de vedettes, pas de mercenaires. Juste des footballeurs
vivant et jouant en Pologne qui voulaient montrer au monde entier
ce qu'était réellement le visage de leur pays.
La suite on connaît : victoire de la Pologne sur le score
sans appel de 3 buts à 1.Le score aurait pu être
beaucoup plus lourd, mais peu importe, Engel avait réussi
son pari, l'honneur de la Pologne était sauvé.
Si certains pays sont sortis de cette coupe du monde par la
petite porte, la Pologne est sortie par la grande. Pas besoin
de se cacher, d'éviter la presse, de partir par des portes
dérobées. Les supporters ont retrouvé leur
dignité. Nos voisins ne peuvent plus nous chambrer, ils
sont éliminés. On peut enfin arroser une victoire.
Une belle victoire. Buvez, éliminé ! hurle la
France en parodiant une publicité bien connue. Les supporters
polonais peuvent boire sans honte. Leur équipe a de l'avenir.
Il aura juste fallu que des joueurs n'oublient pas qu'ils étaient,
avant tout autre chose, des footballeurs. Quand le ventre est
trop rempli il est difficile d'avoir faim ! Ce 14 juin en Corée,
les Polonais ont eu faim, ils se sont surpassés comme
l'avait fait avant eux leurs glorieux aînées des
années 80. La Pologne ne meurt jamais !
Stéphane Delrieu