Ladislas Jagellon se réserva le titre de
duc souverain et confia le gouvernement direct de la Lituanie
à son cousin Witold. Les forces réunies des deux princes infligèrent,
le 15 juillet 1410 , une sanglante et décisive défaite
aux chevaliers Teutoniques et Porte-Glaive, à Grunwald , mais
échouèrent contre la forteresse de Marienbourg. Seul le grand-duché
retrouva l'accès de la Baltique à la première paix de Thorn en
1411.
En 1422, la victoire du lac de Melno enleva
aux Teutoniques la Samogitie. Jagellon mourut en 1434, laissant
deux jeunes fils. Ladislas III avait dix ans, l'évêque
de Cracovie, Olesnicki, gouvernant en son nom, mit fin
aux chicanes entre Polonais et Lituaniens, signa la paix avec
les Teutoniques et conçut alors l'ambitieux dessein de fédérer
les peuples catholiques de l'Europe orientale contre le danger
turc. A son instigation, Ladislas III (1434-1444) prit la tête
d'une véritable croisade qu'il poussa jusqu'aux rivages de la
mer Noire, mais il fut battu et tué à Varna en 1444.
Sous le règne de Casimir IV Jagellon (1447-1492), l'assaut
final, au prix de treize nouvelles années de guerre (1454-1466),
fut donné contre l'Ordre des chevaliers Teutoniques, auquel Danzig
fut repris. Le Grand Maître se reconnut vassal de la Polgne. La
poussée vers la mer Noire ayant échoué, du moins des débouchés
maritimes au nord étaient-ils ainsi assurés.
C'est alors que Georges de Podebrady désigna
Ladislas pour successeur en Bohême (1470). Quand en 1490, mourut
le roi Mathias Corvin, Ladislas devint également souverain
de Hongrie. Ainsi, les Jagellon tenaient à la fois la Pologne,
la Lituanie, la Bohême et la Hongrie. Face à cette nouvelle grande
puissance les Habsbourg, en quête d'alliés , se tournèrent
vers le " grand rassembleur des terres russes " Ivan III.
Ce rapprochement germano-russe prenait la Pologne en tenaille,
et les souverains qui se succédèrent alors eurent une tâche difficile,
d'autant que le régime intérieur, politique et social, s'était
profondément modifié.
A la suprématie des magnats et des évêques s'était substituée
l'influence prépondérante de la petite noblesse (la szlachta)
, qui, consciente de porter tout le poids des guerres, entendait
participer aussi aux affaires publiques. Le clergé l'avait imprudemment
soutenue pour faire pièce aux grands dignitaires, ses rivaux.
Casimir IV, comprenant qu'il ne pouvait rien sans cette
force politique nouvelle, leur avait accordé, dès 1454,
les " statuts de Niesawa ". Dégagées de la domination aristocratique
en de nombreux domaines, les " diétines " (assemblées locales)
avaient le droit de donner ou de refuser leur assentiment pour
la promulgation des lois nouvelles et la convocation générale
de la chevalerie.
Dès 1493, une diète nationale était réunie
à Piotrkow : La Pologne devenait une " république nobiliaire ".
Le règne de Casimir IV marqua l'un des sommets de l'économie
polonaise. Les villes de la Vistule étaient particulièrement prospères.
Lwow et Cracovie étaient d'actifs marchés avec l'Allemagne
et la Silésie. Mais sur le plan social, cette prospérité se traduisait
par une remise en cause des libertés paysannes, jusqu'alors plus
grandes que dans les autres Etats d'Europe. Le nouveau souverain
Jean Albert (1492-1501) succéda à Casimir. Lui aussi fut
contraint de s'appuyer sur la petite noblesse. Il lui accorda
de nouvelles et importantes concessions, en 1496, à la
diète de Piotrkow : monopole de la propriété foncière ; liberté
politique et exclusivité de l'accession aux hautes charges de
l'Etat ; enfin, franchise de certains impôts et taxes douanières.
La condition paysanne fut encore aggravée.
L'ancienne oligarchie des grands seigneurs retrouva
momentanément son influence sous le règne du troisième fils de
Casimir IV, Alexandre (1501-1506), grand- duc de Lituanie.
La diète de Radom en 1505 qui rassemblait le roi, le sénat,
les députés, des diétines provinciales et décidait seule des impôts
et de toutes les mesures législatives ou militaires. La szlachta
conserva le monopole de la vie civique et du service armé. Mais
l'Etat s'affaiblissait.
.