Munich,
mai 1974: pour la première fois de son histoire, la Pologne
décroche une médaille de bronze aux Championnats du
Monde de football, après avoir battu le Brésil par
1/0. Dès le coup de sifflet final, les rues de Varsovie se
remplissent de supporters ivres de joie. Kazimierz Gorski et ses
protégés sont aussitôt élevés
au rang d'héros nationaux! Parmi ceux qui ont le plus marqué
les esprits, on peut citer notamment les inoubliables footballeurs
que furent Kazimierz Deyna (dit "Le Général"),
Andrzej Szarmach, Henryk Kasperczak, Robert Gadocha ou encore Grzegorz
Lato, à qui nous rendons hommage aujourd'hui.
Grzegorz
Lato naquit le 8 avril 1950, à Malbork, une petite ville
située au nord de la Pologne près de Gdansk, où
son père travaillait dans l'industrie aéronautique.
A l'âge de 3 ans, le jeune Grzegorz déménage
avec ses parents à Mielec, où le chef de famille s'est
fait muté (ce dernier mourra prématurément
alors que son fils n'a que 9 ans).
Dès sa plus tendre enfance, "Grzesiu" fut attiré
par les joies du ballon rond. Le football représentait pour
lui à la fois son plaisir et sa raison d'être. A 12
ans, il décide avec son frère Ryszard d'intégrer
le centre de formation du Stal Mielec. Ils prennent alors contact
avec l'entraîneur de cette équipe, Monsieur Drygalski.
La conversation fut brève: - Nous aimerions jouer au "Stal".
- Ok les gars, mais montrez-moi d'abord ce dont vous êtes
capable!
La vitesse exceptionnelle des frères Lato, leur physique
imposant et leur incroyable sens du but poussèrent très
rapidement Drygalski à les accepter au sein de son groupe.
Ainsi débuta la grande histoire d'amour liant Grzegorz au
football...
En 1969, les juniors du Stal Mielec terminent à
la troisième place du championnat de Pologne, grâce
notamment à un Lato qui brille déjà de mille
feux. La même année, Ryszard décide d'arrêter
le football, pour se consacrer à ses études. Quant
à Grzegorz, il décroche un diplôme professionnel
de mécanicien (équivalent du BEP en France). Souhaitant
gardé son élément le plus talentueux, le Stal
Mielec lui accorde en 1970 un appartement (6 pièces), ainsi
qu'une voiture. Autant dire que pour l'époque, Lato et sa
femme Zdislawa jouissaient de privilèges exceptionnels comparés
à la population polonaise....
En
ce qui concerne sa carrière footballistique à proprement
parlée, elle ne cessait jour après jour d'évoluer
positivement, d'autant plus qu'en 1971 un meneur de jeu d'exception,
un certain Henryk Kasperczak, avait rejoint les couleurs du Stal
Mielec. Les effets de la complémentarité entre ces
deux joueurs ne se firent pas attendre, puisque le club monte en
fin de saison en première division, puis remporte le championnat
de Pologne en 1973.
L'euphorie qui s'était emparée alors de la ville de
Mielec est indescriptible ; partout, naissaient des slogans du type
"Niech sie dowie kraj nasz caly, Mistrzem Polski Mielec maly!"("Que
tout notre pays sache, que Mielec la petite est championne de Pologne!").
Lato, en scorant à treize reprises (meilleur buteur de la
saison), contribua largement au véritable exploit de son
équipe.
Conséquence
logique de ses excellentes prestations en club, Lato est appelé
en sélection et dispute son premier match sous les couleurs nationales en novembre 1971 face à
la redoutable République Fédérale d'Allemagne
à Hambourg (0/0). Un an plus tard, il fait partie des 22
sélectionnés par le légendaire Kazimierz Gorski
aux Jeux Olympiques de Munich. A la surprise générale,
la Pologne remporte le trophée, après avoir battu
la Hongrie en finale (2/1). Cette compétition permit de dévoiler
aux yeux du monde une génération de footballeurs polonais
d'exception, regroupés autour d'un playmaker hors pair: Kazimierz
Deyna. Certes, Lato dû le plus souvent se contenter du rôle
de joker de luxe, mais ce ne fut que partie remise, car deux années
plus tard, toujours en RFA, il disputa non seulement tous les matches
de la Coupe du Monde, mais termina également meilleur buteur
des championnats (7 buts), contribuant ainsi aux succès historiques
des Polonais face notamment à l'Argentine (3/2), à
l'Italie (2/1) et au Brésil (1/0), qui permirent à
la nation de décrocher la troisième place.
"Bolek" termine de nouveau à la
tête des buteurs du championnat polonais en 1975, puis décroche
un deuxième titre national de champion avec le Stal Mielec,
dont l'inoubliable Andrzej Szarmach est venu renforcer les rangs.
Malgré une victoire historique face aux Pays-Bas de Johann
Cruyff à Chorzow (4/1) en éliminatoires de Coupe d'Europe,
la Pologne ne réussit pas à se qualifier pour les
phases finales.
Selon Lato, ceci reste l'un de ses regrets les plus forts de sa
carrière (rappelons au passage qu'à ce jour, les Bialo-Czerwoni
n'ont toujours pas réussi à se qualifier à
ces championnats). En 1976, il revient des Jeux Olympiques de Montréal
avec la médaille d'argent. Aussi étrange que cela
puisse paraître, Kazimierz Gorski est dès son retour
au pays démis de ses fonctions de sélectionneur, le
Président de la Fédération polonaise jugeant
qu'une deuxième place à ces J.O. était... un
échec! Lato fera ensuite partie de l'équipe qui termina
6ème durant le Mundial argentin de 1978, puis de celle qui,
emmené par Zbigniew Boniek, décrocha en Espagne le
bronze quatre année plus tard (victoire 3/2 contre la France).
Entre
temps, beaucoup de choses avaient changé dans la vie de "Bolek".
En 1980, en récompense pour tout ce qu'il a réalisé
pour la Nation polonaise, le Parti ouvrier au pouvoir (le POUP)
lui permet de tenter sa chance à l'étranger. Il saisit
l'occasion et part pour la Belgique, où il rejoint le KSC
Lokeren Il y reste 3 ans, puis s'envole pour l'Amérique Latine,
où il signe un contrat de 2 ans avec l'Atalanta Mexico City,
avec qui il remporte le Championnat du Mexique 1983. En avril 1984,
Lato prend officiellement sa retraite internationale, après
avoir été sélectionné pour la 104ème
fois face à la Belgique (défaite 0/1 des Polonais
à Varsovie). A ce jour, ce record demeure inégalé
en Pologne. En voyant les statistiques, les chiffres sont impressionnants:
sous les couleurs rouge et blanc, Lato trouva à 45 reprises
le chemin des filets adverses, soit une moyenne de 0,43 but par
match! L'année suivante, celui qui a été élu
meilleur joueur polonais 1977 et 1981 décide de terminer
sa carrière au sein du Polonia Hamilton à Toronto
(Canada) et de consacrer ainsi plus de temps à ses enfants,
Pawel et Magdalena.
En 1992, Lato débute une carrière
d'entraîneur, en prenant en main notamment "son"
Stal Mielec chéri, puis respectivement l'Olimpia Poznan,
l'Amica Wronki et le Widzew Lodz. Il occupera ensuite les fonctions
de vice-président du Stal Mielec. Aujourd'hui, il jouit encore
d'une popularité exceptionnelle dans son pays, ce qui lui
a permis notamment d'être élu sénateur, sous
les couleurs de la coalition SLD-UP en 2002. Le moins qu'on puisse
dire, c'est qu'il est un membre actif de la vie associative en Pologne,
car il est non seulement membre de l'Association "Orlow Gorskiego"
("les Aigles de Gorski" en polonais), regroupant tous
ceux qui ont fait la gloire du football rouge et blanc dans les
années 1970, mais également du Comité d'Emigration
et des Polonais de l'Etranger ainsi que du Comité de l'Education
et du Sport.
Grzegorz Lato reste l'une des légendes vivantes
du football mondial en général et polonais en particulier. Aujourd'hui il vient d'être élu à l'age de 58 ans Président de la Féderation Polonaise de Football avec pour principale mission, le développement du football polonais et l'organisation en Pologne de l'Euro 2012, un grand défit à la mesure du personnage
Adam Zohry
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