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GOMBROWICZ ou la Parodie constructive
Michal Glowinski




«Rassemblant douze essais aussi brefs que passionnants, dont l’accès est facilité par une très bonne traduction, ainsi qu’un inédit en langue française – Gombrowicz écrit le compte-rendu d’un livre inexistant, tremplin pour les éléments majeurs de l’œuvre à venir -, l’ouvrage que signe Michal Glowinski explore la démarche créatrice de l’écrivain depuis longtemps considéré comme l’un des plus importants du XXe siècle. Où Gombrowicz déniche-t-il la matière première de l’édifice qu’il construira par la suite, étant entendu qu’il s’agit-là non pas de dupliquer mais, sur la base de ce qui existe déjà, de créer une œuvre tout à fait nouvelle et originale? Comparant l’écrivain au musicien, en l’occurrence Igor Stravinski pour ce qui concerne la mise en place d’un véritable mécanisme: «ce qui en apparence n’est qu’un emprunt devient l’une des composantes majeures de l’originalité» - mais on pourrait trouver de nombreux autres exemples -, Michal Glowinski démontre l’usage de la parodie constructive chez Gombrowicz le structuraliste, empruntant des thèmes au roman populaire comme à la grande littérature universelle, pour aboutir à une surlittérature, littérature née de la littérature, dans la forme gombrowiczienne. «Ce qui me plaît, c’est transporter la contrebande la plus récente dans de vieilles guimbardes», disait Gombrowicz dans un entretien avec Dominique de Roux (in «Testament»).
Plus loin, parfaitement convaincant, Michal Glowinski se lance dans des commentaires sur «La Pornographie» et «Mariage», s’intéresse à Witold Gombrowicz jeune critique littéraire en Pologne d’avant-guerre, ou encore analyse «Contre les poètes» avant d’emmener son lecteur dans «Gombrowicz corrige Dante», une violente polémique ayant fait couler autant d’encre que de salive. Enfin, il commente et ajoute des informations aux livres de Rita Gombrowicz et de Rajmund Kalicki, ouvrages «à la charnière de l’oeuvre et de la biographie», avant de proposer une démonstration de la présence de Gombrowicz en Pologne communiste en dépit de l’éloignement physique de l’auteur exilé en Argentine, et malgré l’absence de ses œuvres dans les librairies et les bibliothèques. Absent, mais présent. Un paradoxe polonais de plus, car de nombreux Polonais lisaient Gombrowicz, jusqu’à user les pages des trop rares livres à leur disposition. Mais nul doute que «Quel que soit le destin de la Pologne, Gombrowicz y sera désormais plus présent qu’absent», conclut Michal Glowinski.

Sonia Graf Stawarz