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2002 Année de Tadeusz Makowski

 

 

Chaque année le pays célèbre un artiste, un peintre, un écrivain, un poète … et la liste est bien longue.
La Pologne consacrera l'année 2002 au grand peintre Józef Tadeusz Makowski, ces commémorations sont importantes et donnent souvent l'occasion à beaucoup de monde de découvrir ou redécouvrir des artistes longtemps restés dans l'abandon ou l'oubli …

C'est à Paris, avant la première guerre mondiale, qu'il conquit la reconnaissance de son art (nul n'est prophète en son pays !) mais les Polonais ne le découvriront que dans les années soixante, trois décénies après sa disparition !
On peut diviser sa vie en deux phases : il passa les vingt cinq premières années de sa vie sur les terres plonaises, et le restant en France.
En tant qu'artiste du tournant du XIX et XXième siècles il eut une biographie atypique ; que ce soit à Cracovie ou à Paris il mena une existence " secrète ", cachée, à l'abris des regards et sans trop d'excès.
Depuis son adolescence et jusqu'aux derniers mois de sa vie il tint un journal oú il y découla ses mémoires, ses pensées, mais de ces notes on peut difficilement en tirer un portrait personnel, ce journal ne contient en effet que des réflexions sur l'art en général, sur ses œuvres et sur celles des autres, comme si outre la peinture rien ne s'est passé dans sa vie. Fainéant ou fanatique endurci ?
Makowski était plutôt un personnage " masqué ", tout comme les héros de ses œuvres, caché dans les caractères des marionnettes.

 


Józef Tadeusz Makowski vint au monde à Oswiecim, mais ce lieu n'évoqua pas grand chose pour lui, il préféra débuter sa biographie à Cracovie, qui pour lui était " la plus belle ville du monde ".
Il y étudia simultanément à l'Académie des Beaux-Arts à peine réformée par Julian Falata et à la faculté de Philosophie de l'Université Jagiellone.
Il se forma chez des " maîtres " tel que Józef Mehoffer et Jan Stanislawski, il jouait volontiers du piano, mais sa piètre santé financière ne lui permirent pas d'acheter un instrument de musique aussi cher que le piano et se tourna alors vers la guitare.
Grand admirateur de théatre et de musique, il travailla pour le cabaret du " Ballon Vert " pour lequel il réalisa toute une série de marionnettes représentant des personnages célèbres de l'époque.
Ces expériences le firent revenir à ses œuvres de mâturité.

En 1908, fraîchement diplômé de l'académie des Beaux-Arts et décoré de la médaille d'argent estudiantine, il se lance dans un long voyage à l'étranger qui l'emmène par Vienne et München jusquà Paris oú il séjourna jusqu'à la fin de sa vie.


Déjà au début de son séjour il " perd " son prénom " Józef " et commenca à utiliser la version française de son 2ième prénom : " Tadé ".
Makowski était un homme attachant et intéressant, bien qu'il paraissait un peu trop sérieux pour son âge.
Extraordinairement haut et svelte, il avait de longs cheveux nacés vers l'arrière et trouva inutile de cacher son maigre visage derrière une barbe, il se contenta alors d'une fine moustache.
Ses amis l'ont décris coome un anachorète d'une nature rude et comme un intellectuel mélancolique.
Sa philosophie de la vie s'entremêlait avec sa philosophie de la création artistique … Dans sa vie privée il n'y avait pas de place pour les " sentiments " et les divertissements quelconques.

Dans ses mémoires, qu'il écrit consciencieusement et systématiquement, il se plaint fréquemment des thèmes légers de la vie quotidienne, seuls les " vrais " problèmes le préoccupait ; on peut lire dans un des passages du journal : " Les faibles n'ont pas de place ici ! La volonté découle de la force et de la conviction ; elle précède l'acte ! ".

Comme les témoins occulaires l'ont rapporté, il traitait la peinture comme un mystère et s'enfermait durant de très longues heures dans son atelier, oú il peignait et jouait de temps à autre à la guitare et même au violon ; ainsi il pouvait accompagner musicalement les personnages qu'il venait de peindre.

Mémoires sans souvenirs…

Ses mémoires rédigés durant quelques décénies se lisent avec beaucoup d'étonnement et de stupéfaction ; ces notes sont en fait dénués de sa vie et de faits privés … Cela intrigua fortement Józef Czapski qui ne pris connaissance du son journal intime qu'en 1961 (1ère édition 1960, Varsovie), il nota les remarques sur cette lecture dans " les pages arrachées " : " Il (Makowski) écrit avec l'idée que tout ce qu'il écrit sera lu, tout son monde intérieur y est caché, d'ici sa subtilité, sa grandeur trop ininterrompue est entrelacée de sentimentalisme sous forme concrète et sans véritable contenu ".
" Avec makowski (je le soupconne de lolitisme - penchant pour les petites filles de 13/ 14 ans) resurgissent, dans la peinture et dans allusions, des souvenirs de tristesse, de solitude et de nostalgie de la vie passé sur le sol natal et à nouveau se dresse ce même banc, cette même allée… "




 

 



 

 

 





 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Makowski et le Cubisme

Bien qu'il soit un mélancholique, il n'appartient toutefois pas à cette catégorie de solitaire pure et dur.
Il se lia d'amitié avec Le Fauconier dans l'ateliier duquel se réunissaient les Cubistes et autres artistes novateurs ; c'est là qu'il fait la connaissance de Marcel Gromaire qui devint plus tard son fidèle ami, mais aussi de Pierre Mondrian et de Fernand Léger.
Par après il son chemin le mmène au Salon de Gertrude Stein oú il rencontre Pablo Picasso ; il s'inspire de cette rencontre pour peindre en 1913 " le portrait de l'homme au chapeau blanc ", oeuvre qui passe pour être le protrait de Picasso.
Les deux peintres se sont sans doute apréciés, une notice du journal nous en apprend d'avantage : " Picasso est taciturne, silencieux et solitaire, il est d'une grande culture et renferme en lui-même un peintre à l'avenir radieux ".

Au début le Cubisme fascina Makowski ; il recoit même les compliments pour ses toiles, exposés au salon des indépendants à Paris, de la part d'Apollinaire : " …ce peintre là, on en entendra sûrement parler ! " et pourtant Makowski lui-même n'était pas très satisfait de ses propres réalisations.
Quelques années plus tard, il avouera : " …après avoir tout ce que le Cubisme m'avait pu donner de bien, je m'en suis éloigné ; l'homme m'attire beaucoup plus ".
Malgré l'accueil chaleureux du milieu artistique francais, la maison familiale lui manque beaucoup, et prend contacts avec des expatriés polonais cmme lui, il rendit même visite à la maison parisienne des Mickiewicz.
Makowski habitaiit le quartier " bohémien " Montparnasse, c'était une zone oú se brassait des gens venus de tout horizons imaginables ; il avait l'habitude de prendre ses repas au restaurant Delmas comme tant d'autres émigrés polonais, et c'est justement chez le même Delmas, en 1911, qu'il se lie et se fait membre de l'organisation des Artistes Polonais de Paris.

Il expose dorénavant aux teintes polonaises et participe, en 1914, à la grande exposition des " Peintres et Sculpteurs Polonais ", c'était juste avant le déclenchement de la première guerre mondiale.
En très peu de temps, tout citoyen déclinant la nationalité autrichienne devait quitter Paris dans les plus brefs délais sous peine d'emprisonnement ou d'expulsion "manu militari", ces mesures concernaient aussi Makowski qui possédait un passeport autrichien (comme la plupart des émigrés polonais), mais il refusa un nouvel exil et se réfugia chez un ami, Wladyslaw Slewinski qui habitait depuis de longues années en Bretagne … Ce séjour lui provoqua des conflits de nature artistique incessants, âgé d'une génération, Slewinski qui était un admirateur de Gauguin appela malignement son hôte " le Cubiste " en le taquinant et critiquait amèrement son œuvre.
Cette période correspond avec l'entrée de la création artistique de Makowski dans la phase dite du " réalisme naïf ", car il se tourne dorénavant vers la nature, en espuissant et peignant des paysages de bord de mer essentiellement ; mais il n'avait pas encore atteint le sommet de son œuvre car ce n'est qu'une dizaine d'années plus tard qu'il formera son propre style picturale : fusin de figures géométriques (héritage du Cubisme) avec des formes et des figures simplifiées empreint du réalisme naïf.

" Makowski peint encore dans le style cubiste, mais seulement à la manière du sculpteur populaire qui simplifie son personnage, sa marionnette en la rabottant avec son canif, car aucun instrument, ni aucune main expertwe ne permet le faconnement de tels modèles ! "
Wladyslawa Jaworska, experte et critique d'art

Après tout ses travauxet efforts artistiques, il ne rencontra le succès qu'en 1928.
Dans le catalogue d'expositions de ses œuvres dans la célèbre Galerie Berthe Weill on écrira : " Un miracle s'est produit à Makowski tel que seuls les poètes rencontre dans leurs courtes vies. Mais ces miracles sont le fruit de llongues années d'ascèse et de vertus ! ".
C'est durant les quatres dernières années de sa vie que Makowski donna ses peintures les plus remarquables de son œuvre, qu'il travailla plus que jamais avec acharnement et euphorie ; cette période correspond également à la naissance de son " cycle des héros non-héroïques ", tel " Szewc " ( le cordonnier ) ou " Skapiec " ( le radin ) et ses plus belles scènes de vies enfantines, toutes ces œuvres exposés recurent la beinveillance des milieux de crituques artistiques francaises.

En 1932 il tombe gravement malade, mais malgré son faible état de santé il se resaisit et entreprend un voyage à travers la Belgique et les Pays-Bas durant lequel il peint encore pas mal … Il rendra le soupir le 1er novembre 1932 suite à une commotion cérébrale.
La presse parisienne lui rend unanimement un dernier hommage avec un article dans lequel on peut lire : " Tadé Makowski est mort en n'ayant pas connu la gloire qu'il méritait tant ! ".


Le contraste entre le sérieux des textes sur son art et la rigidité de sa personne est très éttonant, de beaucoup de ses compositions émane une chaleur, de la tendresse et même, dans une certaine mesure, de l'humour.
Il est certain que Makowski se sentait bien parmi les enfants malgré la différence d'âge et d'éducation ils arrivaient à communiquer et à se comprendre dans une langue commune, car en lui résidait encore l'enfant innocent et naïf.
Au début du XXième siècle il se concentre sur la caractéristique des visages d'enfants, à la fois doux et emplis de mélancholie comme dans " l'orchestre des enfants ", avant la fin de la décade l'artsite inventa ses " propres " personnages d'enfants g … des petits bouffons avec de tout petits yeux comme des boutons et des nez triangulaires , portant des chapeaux coniques …
Par après à côté des scènes et leur fond il introduira de vieux héros issus de nombreux spectacles auxquels il assista, ceux ci sont un peu trop ressemblant à Pinochio, et aux marionnettes en bois ou à des jouets de fêtes forraines.
Makowski s'irritait lorsqu'on disait de lui qu'il peignait sans cesse " des masques " ; mais en réalité celui qui observe attentivement et objectivement son œuvre s'appercevra à plusieurs reprises de la multitude de l'être, de la profonde nature humaine et de la propre nature de Makowski lui-même dont toute son œuvre est imprégnée !

Tadeusz Makowski a effectivement disparu en n'ayant pas connu de son vivant la gloire qu'il avait tant mérité, il est vrai que bon nombre d'artistes ont connu le même destin, mais il ne nous est pas trop tard pour découvrir ce génial artiste, ce peintre original, si vous vous rendez à Varsovie cette année ne ratez surtout pas les nombreuses expositions programmées en son honneur … et puis, je suis persuadé qu'un petit détour par le Musée National de Varsovie ou le Musée de la Silésie à Katowice ne fera de mal à personne !

Murat Yurdum
muratko@beskid.com



 

 



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