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Cette histoire est celle d'un château,
non pas celui de Moulinsart, demeure du capitaine Haddock et de
son ami Tintin, encore moins celle du château de Montmirail
ou vivaient le preux chevalier Godefroy de Papincourt comte de Montmirail
et son fidèle écuyer Jacquouille la Fripouille.
Pologne a la fin du XIIIe siècle, un château se dresse
menaçant au bord de la rivière Nogat, rappelant à
tous que les Chevaliers Teutoniques ont régnés sur
ce pays.
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Le château de Malbork fût
élevé par les envahisseurs à la gloire de leurs
conquêtes. A la fin des croisades, les chevaliers Teutoniques
n'avaient pas de terres, ils n'avaient qu'une chartre de leur ordre
accordé par le pape et la gloire qui accompagnait les chevaliers
de dieu. Leur grand maître parcouru l'Europe à la recherche
d'un havre de paix pour ses chevaliers, chassés de Hongrie,
ils se tournèrent vers le Nord, vers la Pologne. Les nobles
polonais engagèrent les services des chevaliers Teutoniques
afin de repousser les Prussiens, des barbares adorateurs du soleil
qui menaçaient leur frontière à l'Est, en échange
les chevaliers reçurent une terre à la frontière
entre les deux pays. Une nouvelle fois, les chevaliers firent preuve
du zèle des croisés. Sous le symbole combiné
de la croix et de l'aigle allemand, ils chassèrent sans répit
leurs proies; les derniers païens d'Europe.
Les nobles polonais allaient regretter ce mardi, presque autant
que les Prussiens eux-mêmes. Les chevaliers construisirent
leur forteresse à Malbork après une guerre sanglante
qui dura 50 ans, laissant derrière elle, des villes prussiennes
en ruine, 140 000 personnes furent tuées ou exilées.
Au début, les chevaliers construisirent le château
de Malbork selon les plans de leur ancien fort, des tourelles
aux quatre coins entouraient une cour dominée par une tour
unique. La première construction en terre céda bientôt
avec la glaise rouge de Prusse. A l'extérieur des murs,
le bas château où les commerçants vendaient
leurs marchandises, les artisans forgeaient les armes et où
les palefreniers soignaient les 400 chevaux des écuries.
A l'intérieur de la 2ème enceinte, le moyen château
abritait l'enclave des chevaliers. C'est là qu'ils allaient
à la cha-pelle, mangeaient dans des réfectoires
et recevaient leurs invités. Le haut château de Malbork
combinait les idéaux de la dévotion monacale et
la force des armes. Au-dessus de la cour se dresse un pélican
perché s'arrachant un morceau de chair afin de nourrir
ses petits. Cet envers, symbole de l'amour parfait et généreux,
inspire les chevaliers pendant un temps. Les chevaliers allemands
appelèrent leur forteresse "Marienburg" pour
honorer leur sainte patronne, la vierge Marie. Selon les écrits
de l'époque, près de la robe de Marie vous pouvez
voir ces chevaliers, ils ont brisés de nombreuses lances
pour la défendre, liés par des vux de pauvretés
et de chas-teté, ils la servaient comme des hommes d'église
et des hommes d'armes. A leur image, leur château était
le mariage de deux extrêmes, à la fois sonal et sanctuaire.
Les moines proté-geaient leur bien sainte aimée
avec la vigilance d'amoureux passionnés. Pour être
toujours prêt à l'appel des armes, ils dormaient
même tout habillés. Des tâches pénibles
et des règles strictes régissaient les journées
des moines soldats, chaques semaines ils assistaient à
des cours dans la salle du chapitre. La plupart des moines étaient
illettrés et connaissaient quelques prières appri-ses
par cur. Dans la salle du chapitre, ils se confessaient
de leurs pêchés et recevaient l'absolution, les pénitences
pouvaient êtres des coups violents, la pire de toutes était
le bannis-sement de la communauté sans que le coupable
soit relevé de la stricte observance de ses vux.
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L'ordre garde le souvenir d'un chevalier
en route vers un tournoi, il passa devant une chapelle dédiée
à la vierge, voulant l'honorer il s'arrêta afin d'assister
à la messe, la messe terminée il craignit d'arriver
en retard pour le tournoi. Mais sur le chemin, il croisa des chevaliers
qui le félicitèrent d'avoir gagné toutes les
épreuves du tournoi. Persuadé que la vierge avait
accompli ce miracle, il lui consacra sa vie et entra dans l'ordre
des Chevaliers Teutoniques.
Au château de Malbork les chevaliers de Marie jouissaient
d'un confort étranger aux paysans qui menaient une existence
rude et pénible au-delà des grilles du château.
Des fours dans les caves envoyaient de l'air chaud à travers
un circuit d'aération, ainsi même pendant l'hiver le
plus rude, la température dans les grandes salles du château
ne descendait jamais en dessous de 24°. Un des autres élément
de confort contribuait à la propreté des cellules
des moines, les la-trines étaient connectées aux douves
par un puits de 15 mètres de long. Les moines se prirent
à croire que Dieu lui-même les avait guidés
vers Malbork. Ils avaient perdu la Palestine mais ici ils pourraient
créer une nouvelle terre sacrée.
Alors en 1308, ils commencèrent leurs conquêtes,
ils attaquèrent Gdansk, la ville de leurs hô-tes,
et tuèrent toute une garnison de soldats polonais. S'était
la première étape de leur nouvelle croisade, les
Chevaliers Teutoniques établirent l'un des états
religieux le plus puissant de l'histoire de l'Europe.
Malbork connu son apogée sous Winnrich Von Kniprode qui
régna pendant 31 ans, plus long-temps qu'aucun autre grand
maître. Il profana la vocation de son ordre par la richesse
de sa cours et la corruption. Né en Rénanie il gagna
ses galons au sein de l'ordre. Vétéran de plu-sieurs
guerre, il avait servi l'ordre et goutté au butin du monde,
il voulait les deux et il allait les obtenir. En transformant
le moyen château Von Kniprode réalisa son rêve,
un royaume de chevaliers chrétiens.
Dans la capitale les chevaliers vivaient une double vie. Selon
un chroniqueur de l'époque, tan-tôt lions de guerre,
tantôt agneaux près du foyer. Avant toute campagne,
ils organisaient des tournois et des chasses, et V.Kniprode couvrait
ses invités vainqueurs de cadeaux somptueux.
Des jeux et de la musique accueillaient les chevaliers au retour
de la guerre et bien que l'entrée du château soit
interdite aux femmes, certains oubliaient leurs vux de chasteté
en visitant une maison voisine.
Un millier de croisés mangeaient ensemble dans le moyen
château, on servait à leur table les récoltes
des paysans qui vivaient sur leurs terres.
Pendant ces festins les chevaliers récitaient des passages
des saintes écritures et des poèmes vantant la foi
et le courage. Ces rituels les fortifiaient avant chaque nouvelle
croisade contre les tribus de l'Est. Ces repas copieux et raffinés
avaient remplacés les menus frugaux de la vie monacale
traditionnelle. Les festivités et l'hospitalité
de Malbork attiraient de plus en plus d'invités étrangers,
des rois vinrent de toute l'Europe, comme Jean de Bohême
et le futur Henri IV d'Angleterre en quête de gloire contre
les derniers infidèles d'Europe. A côtés des
cheva-liers ils combattirent au cri de " AMEN ".
Après la bataille, confort et sérénité
attendaient les chevaliers et leurs visiteurs royaux dans les
grandes salles du château, dans le majestueux sanctuaire
les guerriers renforçaient leur courage sous des décorations
élégantes et des fenêtres immenses. V.Kniprode
se fit construire un ma-gnifique palais, digne d'un roi, un environnement
peut compatible avec la fonction de grand maître d'un ordre
monacal. Il fera construire aussi une infirmerie pour ses hommes,
elle servi-ra surtout de maison de retraite pour les chevaliers
vieillissants.
A la fin de leur vie les vieux sergents s'apercevaient en effet
que l'ordre était leur seule famille.
Dans l'infirmerie ils jouissaient de tout les conforts auxquels
ils se sont habitué, une nourriture riche et abondante,
des bains de vapeur et de nombreux autres luxes.
Bien que fortifier de pierres et de briques leur nouvelle oasis
allait s'avérer aussi vulnérable que celui qu'ils
avaient perdu.
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La richesse des chevaliers venait
de leurs mains misent sur un trésor unique, le commerce.
Délivré par le pape sur l'interdiction de se livrer
au commerce, les moines prirent le contrôle de la route du
cuivre et de l'ambre qui traversait leurs terres vers les portes
de la Baltique.
Les chevaliers, souvent renseignés par des espions exigeaient
des droits très élevés de chaques marchands
et de chaques barges. Les chevaliers de V.Kniprode exercèrent
également un mo-nopole sur les exportations de grain et de
bois prussien, les paysans leurs offraient un tribus ou se retrouvaient
ruinés.
Ce commerce était réellement profitable, car l'ordre
Teutonique était le seul état d'Europe à ne
pas avoir de dette.
Cependant la dissidence gronde à l'intérieur du château
de Malbork, des frères regrettent la corruption de leur ordre,
et murmurent que V.Kniprode a vendu leur âme. Afin d'étouffer
criti-ques et accusations, le commandant imagina un plan habile,
utilisant la grande force de l'ordre, l'amour des armes et des batailles.
Il dirigea la colère des chevaliers contres les Lituaniens
in-fidèles.
La guerre de V.Kniprode contre la Lituanie reste dans l'histoire
comme l'une des guerres les plus féroce du moyen âge.
Quand les Lituaniens capturaient un chevalier, il le faisait brûler
dans son armure. Les chevaliers se vengeaient en massacrant des
villages entiers.
V.Kniprode vécu presque aussi longtemps que sa dernière
croisade, en 1382 le vieux guerrier perdit son ultime combat contre
la mort.
En 1407 l'impétueux Ulrich Von Jungingen devint le maître
de Malbork. A l'époque, le pré-texte d'une guerre
Sainte n'était même plus invoqué, les chevaliers
continuèrent à combattre les Lituaniens même
après que le roi Jagellon se convertit à la religion
chrétienne.
A présent Ulrich ose appelé à la croisade
contre ses anciens alliés les Polonais. L'hypocrisie et
la brutalité des chevaliers enragèrent Jagellon
devenu roi de Pologne et de Lituanie.
Malbork et ses ennemis se préparèrent à la
guerre. Ulrich était un fin stratège et un chef
coura-geux, mais s'était un homme arrogant. Quand le roi
Jagellon tenta de reculer avec prudence la date de la bataille,
Ulrich insulta le roi en lui apportant des épées.
C'est en 1410 que les deux grandes armées se retrouvèrent
face à face au sud de Malbork à Grunwald. Les chevaliers
d'Ulrich chargeaient au cri de " le christ est ressuscité
", les soldats chrétiens de Jagellon estimaient eux
que les chevaliers avaient déserté la vraie foi.
La bénédiction de Dieu était l'enjeu de cette
bataille, la plus sanglante du moyen âge. A la fin de la
journée les chants des chevaliers se sont transformés
en cris de terreur, leurs ennemis étaient plus nombreux,
et leur cause était plus juste, le roi Jagellon triompha.
Entouré d 'ennemis Ulrich mourut empalé sur un pieu,
suppliant Dieu de lui accordé le salut
Le roi Jagellon rendit le corps d'Ulrich au château de Malbork.
Les moines chevaliers l'inhumèrent dans la chapelle funèbre
à côtés des deux autres grands maîtres.
Ce désastre ébranla l'unité des chevaliers.
Pendant les années qui suivirent abandonné par Dieu,
ils se lamentèrent. En 1457, ruinés par les guerres
et ébranlés par les révoltes, les cheva-liers
perdirent à tout jamais leur capitale.
Pendant les trois siècles qui suivirent les rois polonais
jouirent de leur revanche en habitant le château de Malbork.
Victime des guerres et du feu le château ne fut plus qu'une
ruine. En 1882 le chancelier alle-mand Otto Von Bismarck ordonna
la restauration de Malbork. Pour Bismarck les Chevaliers Teutoniques
étaient les détenteurs d'un pouvoir magique. Rendre
vie au château s'était comme frotter la lampe d'un
génie. Il espérait en faire jaillir ce qui manquait
cruellement au nouvel état allemand, un état d'unité.
Bismarck confia la réparation à un architecte, Conrad
Stein Brecht. Cela allait de venir l'uvre de sa vie. Avec
une passion digne des chevaliers eux-mêmes Stein Brecht
examina les décombres, fouilla les archives et étudia
les autres châteaux des chevaliers. Faisant appel aux nouvelles
techniques se son époque Stein Brecht s'attaqua à
cette tâche immense, restaura fidèlement le château
de Malbork dans l'esprit des grands maîtres du moyen âge.
L'architecte mit tout en uvre pour retrouver et reproduire
les couleurs d'origine, pour créer l'illusion que les chevaliers
venaient juste de partir pour livrer bataille. Quant Stein Brecht
eut finit son travail, le château avait retrouvé
la grâce et la force du passé, lorSqu'il était
le plus beau château de briques d'Europe et que les Chevaliers
Teutoniques régnaient sur la Prusse devenue colonie du
royaume divin.
L'empereur allemand Guillaume II fut réellement impressionné
par ce musée vivant. Il fît de Malbork sa résidence
officielle. Sa force et ses mystères semblaient encouragés
les tirades guerrières de Guillaume. Les discours nationalistes
du Kaiser faisaient trembler l'Europe, et conduisirent l'Allemagne
au bord de la guerre. Malbork était devenu pour les Polonais
le sym-bole d'indépendance polonaise, à la fin d'août
1914 près du site de la bataille qui vit la défaite
des chevaliers voilà 500 ans, Malbork était à
nouveau victime d'une invasion étrangère.
Cinq siècles semblèrent s 'effacer, le génie
monstrueux de Malbork s'était échappé
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marek@beskid.com
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