L 'entrée
en guerre de la France et la mobilisation des Polonais.
Après
l 'invasion de la Pologne par l’Allemagne nazie, la France
mobilisa et, le 3 septembre 1939, déclara la guerre à
l’Allemagne. Par motivation patriotique, des milliers d’émigrés
polonais travaillant, ou réfugiés en France, demandèrent
à s’engager dans l’armée française
pour permettre à la Pologne de recouvrer sa liberté.
9 septembre 1939 : un accord franco-polonais est signé
pour répondre à cet élan patriotique, permettant
la mise sur pied d’une division polonaise en France. Cette
division recrutera parmi les citoyens polonais résidant en
France, par engagement volontaire et appel de classe.
15
septembre 1939 : déclenchement par l’Ambassadeur
de Pologne en France de l’ordre d’appel sous les drapeaux
polonais par voie d’affiches (dans les deux langues). Le 29
septembre 1939, tous les citoyens polonais installés en France
viennent se faire recenser au bureau le plus proche de leur domicile.
123.000 combattants potentiels de 17 à 45 ans furent ainsi
identifiés. Parmi ces 123.000, le conseil de révision
du 24 octobre en retient 93.000 comme étant aptes au service
armé. Sur ce nombre, le gouvernement français prend
la décision d’en maintenir provisoirement 43.000 dans
leur emploi en les mobilisant sur place, notamment dans les mines
du Nord et dans les industries sidérurgiques du Nord et de
l’Est de la France.
50.000 recrues restèrent donc désignées pour
le service armé et furent immédiatement mobilisables.
Grâce à ces bases statistiques nationales et avec les
informations numériques déjà en sa possession
concernant les Polonais internés dans les pays neutres, l’état-major
mit en oeuvre la constitution de 4 divisions d’infanterie
polonaises et de 4 brigades spécialisées (dont une
d’aviation). A cette force, l’état-major escomptait
l’apport de deux divisions supplémentaires en cours
de constitution outre atlantique, avec les engagés volontaires
polonais du Canada et des Etats Unis.
Le 17 novembre 1939, débuta la mobilisation des
50.000 recrues de l’hexagone. Cette mobilisation s’est
faite progressivement par l’incorporation à Coëtquidan
de 7.000 hommes venant s’ajouter aux 13.000 volontaires déjà
sur place, pour la constitution de la 1re Brigade des Chasseurs
du Nord et de la 1re Division polonaise.
Le 1er janvier 1940, on procéda à l’incorporation
à Veluché (Deux-Sèvres) des recrues pour la
2ème Division polonaise. Enfin à partir du mois de
mai 1940, date de la montée au front de ces unités,
l’on procéda à l’incorporation des recrues
pour la constitution de la 3ème Division au camp de Coëtquidan
et de la 4ème Division au camp de Veluché.
La reconstitution de la légitimité
du Gouvernement polonais en France.
Après
l'invasion de la Pologne par la Russie soviétique le 17 septembre
1939, une partie de l'armée polonaise arrive à échapper
à la destruction en trouvant refuge dans les pays neutres
voisins, comme la Roumanie, la Hongrie, la Lituanie et la Lettonie.
Dans le même temps, le gouvernent polonais demanda asile aux
autorités roumaines, et l'autorisation de passage sur leur
territoire pour rejoindre un port d'embarquement et gagner la France.
Après leur réponse positive, il passa la frontière
roumaine et se retrouva aussitôt interné par ces mêmes
autorités... Dans un tel cas et selon la constitution polonaise,
le Président de la République Moscicki, interné,
devait démissionner et désigner son remplaçant.
A partir de ce moment, les diplomates français s'activèrent
auprès des autorités roumaines pour assurer la pérennité
du gouvernement polonais sur le sol français. L'attitude
française fut d'éliminer les membres de l'ancienne
équipe dirigeante jugée, de part sa politique précédente,
responsable de la défaite et de n'accepter en France que
des responsables attachés aux principes de démocratie
et dont la francophilie ne s'était jamais démentie.
M W.Raczkiewicz, ancien président du Sénat, fut ainsi
désigné, le 30 septembre 1939, nouveau président
de la République polonaise. Celui-ci désigna le jour
même le général W. Sikorski comme Premier Ministre,
qui s'installa dans un premier temps à l'hôtel Régina
à Paris et forma aussitôt son gouvernement. La légitimité
nationale de la Pologne survivait ainsi en France. En novembre,
les autorités polonaises viennent siéger à
Angers.
Une
mission militaire franco-polonaise est chargée à Paris
par le gouvernement français auprès du haut commandement
polonais, pour assurer la liaison et la coordination des actions
militaires communes. Le général d’armée
Denain est nommé chef de cette mission. Les gouvernements
français et polonais vont travailler de concert à
mettre en oeuvre et à amplifier l’accord du 9 septembre,
notamment pour permettre la réintégration de la Pologne
dans la guerre, grâce à la reconstitution d’une
armée polonaise en France. Cette stratégie verra son
aboutissement dans l’accord signé le 4 janvier 1940
par les présidents E. Daladier et W. Sikorski. Certains points
de cet accord méritent d’être ainsi résumés
:
- l’armée polonaise sera placée en tant qu’armée
alliée sous les ordres du Général Commandant
en chef de l’armée française,
- le recrutement sera effectué par les autorités polonaises
parmi les ressortissants Polonais venant de Pologne ainsi que ceux
situés sur le territoire français,
- le principe d’égalité des droits et de traitement
entre citoyens polonais et français sera appliqué,
- l’encadrement de cette armée sera polonais, et l'organisation
des unités suivra le modèle français,
- le gouvernement polonais remboursera au gouvernement français
les dépenses avancées pour la mise sur pied et l’entretien
de cette armée,
- les autorités militaires françaises, mettront en
place les camps nécessaires à l’instruction
et à la constitution de l’armée polonaise, notamment
les camps de Coëtquidan (Ile-et-Vilaine), de Saint Loup sur
Thouet (Deux Sèvres), ainsi que ceux de Lyon-Bron pour l’aviation
et de Beyrouth pour la Brigade polonaise du Levant.
Le recrutement des combattants polonais réfugiés dans
les pays neutres.
Dès
leur passage de la frontière vers les pays neutres, les combattants
polonais furent désarmés et internés par les
autorités des pays concernés. Fortement intéressé
par ce potentiel, l’état-major français va chercher
dès octobre 1939 à organiser vers la France, l’exode
de ces combattants aguerris et motivés dans la poursuite
de la lutte aux côtés de la France. Les hommes internés
étaient au nombre de 36.000 en Hongrie, 23.000 en Roumanie,
21.000 en Lituanie et Lettonie, soit une force potentielle de 80.000
hommes. La France prit en charge le rapatriement des réfugiés
des Balkans, l’Angleterre de ceux des pays Baltes.
Le transit a été organisé par la France à
partir de la Yougoslavie qui faisait preuve de dispositions favorables,
conséquence d’une convention secrète de collaboration.
Les autres pays collaboraient à la délivrance des
visas selon l'intensité des pressions exercées par
les Allemands.
Le 6 octobre 1939, le général Kleeberg, récemment
évadé de Hongrie, et mandaté par Paris, part
pour Belgrade pour négocier l’obtention des visas de
transit et organiser l’évacuation. Il est porteur d’une
somme de 100.000 dollars US et est accompagné par un fonctionnaire
français pour l’aider dans sa mission auprès
des autorités locales.
Dans son rapport du 23 octobre, le responsable de la Légation
de France en Hongrie rend compte de la façon dont s’effectuaient
les évacuations. "Une commission militaire qui fonctionne
à la Légation de Pologne, désigne, en tenant
compte des besoins et instructions de Paris, les officiers et hommes
de troupes qui doivent partir. Ceux-ci sont prévenus discrètement
dans le camp par des émissaires civils, du jour où
ils devront s’évader. Sortis du camp, les intéressés
se rendent dans le village voisin, où ils reçoivent
des vêtements civils, leur passeport en règle, un billet
de chemin de fer et de l’argent. La majorité des officiers
hongrois chargés de surveiller les camps d’internement
est en général assez favorable aux "évasions".
Les transits se font soit par la Yougoslavie et l’Italie,
soit par la Roumanie et la Grèce, par chemin de fer ou de
préférence par voie maritime; les transports par mer
sont assurés par la France à partir des ports de Constanza-Balcik
sur la mer Noire, du Pirée sur la Méditerranée
et de Split sur l’Adriatique". Le vapeur Polonais ‘’Pulaski’’
participe activement à cette évacuation.
Le 15 décembre 1939, 14.502 hommes, dont 50% du personnel
de l'aviation, sont déjà acheminés dans les
différents camps français.
La Grèce délivrait ses visas à la cadence de
70 par jour, la Hongrie qui en délivrait au début
d’octobre 150 par jour, tarit son flux en décembre
1939 sous les pressions allemandes. L’Italie fit de même
à la fin de novembre 1939. Néanmoins, cette opération
d’évacuation, s’étalant sur une dizaine
de semaines, a permis l’acheminement de quelque 32.000 combattants
vers les camps français pour y être aussitôt
incorporés dans l’armée polonaise. L’investissement
nécessaire pour l'évacuation d’un combattant
avait été estimé à l’époque
à 2500 francs.
Dans le contexte de cette évacuation, l’état-major
a dû mettre en place des actions permettant de limiter, ou
de supprimer l’impact de deux problèmes :
le premier concernait les espionnages allemands et soviétiques
cherchant à infiltrer des agents parmi les éléments
polonais évacués vers la France. Pour déjouer
ce risque, il fut décidé de maintenir la mission militaire
française à Bucarest avec tous ses personnels et moyens.
Il semble que cette action fut efficace car aucun problème
de ce type ne s’est révélé ultérieurement
dans les Deux-Sèvres.
le deuxième était de pouvoir déceler, parmi
les personnalités officielles réfugiées ou
évacuées vers la France, les personnages intriguants
contre le gouvernement du général W. Sikorski qui
le gênaient dans son action de remise sur pied de l’armée
polonaise. Afin de protéger le gouvernement polonais des
intrigues qui déjà se nouaient, l’idée
de les diriger vers les territoires d’Outre-mer a été
proposée au président Daladier par le général
d'Armée Denain dès le 13 décembre 1939. Le
général W.Sikorski, francophile convaincu, était
jugé par certains de ses opposants trop démocrate
et trop libéral dans le domaine social. En définitive,
les décideurs politiques choisirent de laisser la démocratie
fonctionner, en permettant même l’édition de
journaux interdits en Pologne, et la censure française toléra
la plupart des tendances, y compris celles de l'opposition. De plus,
pour maintenir un semblant de vie parlementaire, un ‘’Conseil
National’’ représentatif des différentes
tendances, présidé par le célèbre, compositeur
et musicien, Jean-Ignace
Paderewski fut désigné en janvier 1940 et alla
siéger à Angers.
Jean Medrala |