L 'Armée clandestine polonaise de
l'intérieur.(3) (7) (22)
Le
13 novembre 1939, dès son installation en France, le général
Sikorski créa une ''Union de la lutte armée'' , ou
Z.W.Z., qu'il confia au général S. Grot-Rowecki. Début
1940, plus de 100 points de résistance furent dénombrés
en Pologne. Cette Union fut remplacée en février 1942
par l 'A.K. ou ''Armia Krajowa'', (Armée de l'intérieur)
qui réussit à intégrer la même année
les bataillons paysans déjà constitués. L'armée
d'occupation allemande estimait cette Armée de l'intérieur
à plus de 100.000 combattants. A côté de ses
résistants armés, existaient des organisations clandestines
permettant le maintien d'une vie scolaire, journalistique (avec
plus de 1.000 titres de journaux à la parution éphémère),
et juridique. Les universités de Varsovie, Cracovie et Poznan,
réussirent à accueillir 3.000 étudiants clandestins.
Dès le début, l'espionnage fut une des activités
particulièrement appréciées par les Britanniques;
il les informait, entre autres, des concentrations de troupes contre
la Yougoslavie et l 'URSS, des bases de sous-marins sur la Baltique,
et de celles des rampes de lancement des fusées V1 et V2.
Le comportement de la Résistance polonaise commença
à se durcir à mesure que la férocité
allemande s'amplifiait. Depuis fin 1941, le ''Generalplan Ost''
prévoyait le génocide des Juifs, puis de la plupart
des Slaves, avec installation de colons sur ces espaces ''nettoyés''.
Au printemps 1942 le génocide des Juifs commença.
Tous les ghettos des grandes villes furent vidés peu à
peu par déportation en direction des camps de la mort. Le
10 novembre 1941, le gouvernent général allemand menaçait
déjà de la peine de mort les Polonais portant assistance
aux Juifs.
Début 1942, la presse clandestine de la Résistance
polonaise attira l'attention à plusieurs reprises sur la
tragédie juive et incitait la population polonaise à
réagir et à les aider. Le 17 septembre 1942, faisant
suite aux mouvements d'opinion en Pologne, une déclaration
de la Direction de la Lutte Civile fut retransmise à la radio
de Londres, dans le but d'informer le monde sur l'extermination
des Juifs. Le gouvernement polonais en exil agit à son tour
en publiant, le 12 décembre 1942, une note diplomatique sur
ce drame adressée à tous les Etats alliés.
En 1943, le Conseil des ministres polonais à Londres proposa
aux Alliés de s'adresser au peuple allemand pour l'informer
des crimes nazis. Malheureusement toutes ces actions furent vaines
et restèrent sans réponse...
En septembre 1942, dès que les premiers grands massacres
furent connus, divers partis politiques polonais clandestins, comme
le Parti Paysan, Le Front Catholique, les partis Socialiste et Démocratique,
avec le Comité National Juif et le Bund, créèrent
un ''Conseil Clandestin d'Aide aux Juifs'' (Rada Pomocy Zydom).
Ce conseil s'efforçait d'obtenir des subventions et de les
répartir entre les personnes qui se cachaient, en assurant
leur protection. Le Gouvernement polonais en exil dès le
début 1943, accordait à ces fins, 150.000 zlotys par
mois, pour monter à 2 millions au milieu de l'année
1944. Ce Conseil Clandestin, au travers de la presse clandestine,
agissait pour gagner à sa cause l'ensemble de la société
polonaise. Plus de 50.000 Juifs purent être ainsi sauvés
par cette organisation (sur un total de 100.000). L'Eglise polonaise,
et notamment les couvents catholiques, jouèrent aussi un
rôle exemplaire. L'ensemble des maisons religieuses féminines
participèrent à ce sauvetage, particulièrement
à celui des femmes et des enfants.
En mars 1942, des combattants d'organisations juives se groupèrent
au sein des ghettos en créant la première ''Organisation
Juive de Combat''. Celle-ci était tributaire, pour son action,
des organisations polonaises de résistance à l'extérieur
des ghettos. Une coopération étroite s'instaura permettant
de fournir à la population des ghettos les plans des égouts
de Varsovie, du ravitaillement en eau et en vivres, et le procédé
de confection des ''coktails Molotov''. La Résistance polonaise
fournit également des armes, des munitions, des explosifs
et du carburant pour la confection de bouteilles incendiaires.
Le ghetto de Varsovie se réduisit de 350.000 personnes à
60.000 en moins de huit mois... Un groupe d'un millier d'hommes
du ghetto de Varsovie des ''Organisations Juives de Combat'' déclencha
le 19 avril 1943 l'insurrection générale des 60.000
survivants.
Le 5 mai, le général Sikorski, par le canal de la
B.B.C., lança l'appel pathétique suivant à
tous les Polonais de Pologne: ''Le plus grand crime de l'humanité
est en train de se perpétrer. Je sais que vous aidez les
Juifs martyrisés comme vous le pouvez. Je vous remercie,
compatriotes, en mon nom propre et au nom du gouvernement polonais.
Je vous prie de leur apporter toute votre aide, et en même
temps de condamner toutes ces horribles cruautés''. (22)
La Résistance polonaise de l'A.K. soutenait la lutte du ghetto
par sa presse clandestine et par ses actions. Elle effectua des
tentatives de destruction du mur du ghetto permettant à des
insurgés de s'enfuir, leur procura de faux papiers, et leur
fit rejoindre les détachements des maquis dans les forêts.
Après une défense héroïque de 27 jours,
la résistance juive fut écrasée par des moyens
colossaux.. 7.000 personnes furent tuées sur place, et les
survivants déportés vers les camps de la mort....
En novembre 1942, la stratégie du ''Generalplan Ost'' fut
appliquée progressivement à l'encontre de la population
polonaise, avec la déportation de 100.000 personnes vers
les camps. 30.000 enfants furent aussi arrachés à
leur famille pour être germanisés dans des familles
allemandes.
Malgré l'arrestation et l'exécution de son chef, le
général Grot-Rowecki, l'Armée de l'intérieur
amplifiait ses attaques et ses actions. En octobre 1942 elle fit
sauter toutes les voies ferrées autour de Varsovie, et délivra
tous les prisonniers de la prison Arsenal en mars 1943. De nombreux
responsables allemands furent exécutés et de nombreuses
banques dévalisées. En deux ans, plus de 5.000 attentats
et sabotages divers furent perpétrés provoquant la
mise hors service de nombreux trains, ponts, citernes, bâtiments,
convois.
Les efforts de l'Armée de l'intérieur (A.K.) redoublèrent
à partir du moment où l'Armée rouge franchit
la frontière polonaise d'avant 1939. L'état-major
polonais de Londres, mobilisa toutes ses forces de l'intérieur
et lança l'opération ''Burza'' (Tempête). Elle
déclencha le soulèvement national pour participer
à la libération du territoire. L'A.K. devait attaquer
les troupes allemandes sur leurs arrières à proximité
du front soviéto-allemand, et contribuer à la libération
des villes. 100.000 combattants de l'intérieur constitués
en 16 grandes unités, s'engagèrent dans cette bataille.
L'objectif du gouvernement polonais, avec l'opération ''Tempête'',
était d'assurer la souveraineté de la Pologne sur
les territoires libérés. Il voulait montrer ainsi
à l'Armée rouge que l'Armée de l'Intérieur
assurait la continuité de la lutte en Pologne conjointement,
avec l'Armée régulière polonaise qui luttait
sur différents fronts, en Occident, aux cotés des
Alliés. Les ordres de Londres étaient de coopérer
loyalement avec l'Armée rouge.
Sur tout le territoire de la Pologne de l'Est, à l'approche
de l'Armée rouge, l'Armée de l'intérieur s'engagea
en combattant aux cotés des forces soviétiques, notamment
pour la libération des grandes villes de Wilnus et Lvov.
Le commandement soviétique acceptait volontiers le concours
des détachements polonais de l'A.K. dans les engagements
contre les Allemands; mais aussitôt les combats terminés,
les Russes arrêtaient et déportaient les officiers
et les soldats, à l'exception de ceux qui acceptaient d'être
désarmés et enrôlés aussitôt dans
l'Armée populaire polonaise d'obédience communiste...
Cette politique machiavélique eut son point d'orgue lors
du combat pour la libération de Varsovie. Pour la Résistance
polonaise (A.K.) qui représentait la grande majorité
de la population, Varsovie était le seul lieu où un
gouvernement indépendant aurait pu être établi.
Il était impossible à ses chefs de renoncer à
la souveraineté du peuple polonais, surtout après
cinq années de lutte clandestine dans les maquis. Radio Moscou
appela par ailleurs, le 19 juillet les varsoviens à chasser
l'occupant. La résistance polonaise était maîtresse
à Varsovie, où son chef le général Bor-Komrowski,
et le délégué sur place de Londres, disposaient
de 46.000 résistants armés et de 200.000 civils sympathisants.
Ils refusèrent d'obéir aux ordres nazis qui voulaient
mobiliser 100.000 hommes et fortifier la capitale contre l'Armée
rouge. Le 1er août tous les points stratégiques étaient
aux mains des insurgés... avec pourtant, au bout, l'horreur
intégrale... Trois divisions allemandes renforcées
par plusieurs régiments SS écrasèrent méticuleusement
la rébellion polonaise. Pendant 63 jours la bataille fit
rage avec une sauvagerie sans précédent. De l'autre
côté de la Vistule, à quelques kilomètres
de la capitale, l'armée rouge interrompit sa marche vers
l'Ouest et attendit que les nazis détruisent la capitale
ainsi que la Résistance non communiste... Le 2 octobre, le
général Bor-Komorovski capitula. La reddition eut
lieu avec les honneurs militaires des Allemands!! Les nazis avaient
17.000 morts, l'A.K 18.000 et les victimes civiles étaient
au nombre de 150.000. Hitler ordonna d'évacuer les 35.000
survivants et de raser systématiquement tous les bâtiments
qui restaient. Varsovie n'était plus qu'un point géographique.
Armée Populaire polonaise.
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Le
formidable optimisme qu'inspira aux Russes leur victoire du 2 février
1943 à Stalingrad, ainsi que les succès croissants
de leur contre-offensive vers l'Ouest, les amenèrent à
envisager que la Russie soviétique prendrait une part prépondérante
dans le tracé des frontières d'une nouvelle Europe.
J.Staline acquit la conviction que l'Armée rouge serait à
brève échéance maîtresse en Pologne.
En conséquence, l'accord avec les Polonais de Londres devenait
inutile.
La rupture fut consommée lors de la découverte par
les Allemands le 13 avril 1943, de l'horreur du charnier de Katyn.
4.143 cadavres d'officiers polonais furent exhumés de ce
charnier; ils avaient les mains liées derrière le
dos et avaient tous été assassinés par une
balle allemande tirée dans la nuque. Ces exécutions
avaient été ordonnées par J.Staline en mars
1940. Offensée d'être accusée de ce crime, le
25 avril 1943, la Russie soviétique rompit ses relations
diplomatiques avec le gouvernement polonais de Londres. Elle mit
aussitôt en oeuvre la constitution d'une Armée Populaire
polonaise en s'appuyant sur l'organisation des maquis communistes
polonais P.P.R (Parti polonais des travailleurs) qui luttaient contre
les Allemands sur les territoires des confins Est. La première
division polonaise de l'Armée populaire (Kosciuszko), fut
organisée et formée au camp de l'Oka près de
Moscou. Elle reçut son baptême du feu à Lessiro
en octobre 1943. Les forces de cette Armée Populaire polonaise
se composèrent de 75.000 hommes sous le commandement du général
Berling. Ses soldats furent à, leur tour, tirés des
camps soviétiques de Sibérie et de l'Arctique, parmi
les prisonniers et déportés polonais de 1939. Par
pénurie d'officiers polonais, les cadres de cette armée
furent pris dans l'Armée rouge.
En novembre 1943, un manifeste est publié par le P.P.R. qui
précise le tracé des nouvelles frontières de
la Pologne, voulu par l'URSS (retour à la ligne Curzon à
l'Est), ainsi que le caractère de ''démocratie populaire''
de son futur régime politique.
La ligne Curzon, doit son nom à Lord Curzon, ministre anglais
des Affaires Etrangères qui fit adopter aux alliés
de 1918, lors du traité de Versailles, un tracé de
frontière pour la nouvelle Pologne indépendante. Il
recommandait de fixer comme frontière Est, celle des territoires
''indiscutablement polonais'' (ethniquement homogènes...
). Cette frontière passait sur la rivière Bug, et
correspondait à peu près à la séparation
entre le monde catholique polonais et le monde orthodoxe ukrainien
ou biélorusse.(11) Elle suivait également l'ancienne
frontière Est du royaume du Congrès. On assista aussitôt
à une levée de boucliers du gouvernement polonais
de Londres, ainsi qu'à une intense activité diplomatique
auprès de ses alliés pour combattre en vain cette
initiative, car le poids de l'URSS dans la guerre en Europe devenait
prépondérant. Lors de la conférence de novembre
1943 à Téhéran, il fut convenu entre les trois
Grands, qu'après la guerre, l'Europe serait divisée
en ''zones d'influence'', l'Ouest et le Sud aux anglo-américains,
l'Est pour les Russes. En clair, la Pologne passerait sous l'occupation
soviétique, avec un tracé modifié de ses frontières
. Les Alliés furent contraints par les circonstances d'appuyer
la Russie dans son différend avec le gouvernement polonais
de Londres. Le deuxième front n'était pas encore ouvert
à l'Ouest et les Alliés ne pouvaient stratégiquement
se permettre une rupture avec J.Staline. A partir de ce moment,
le poids de l'influence du gouvernement polonais en exil à
Londres diminua irrémédiablement auprès des
Alliés. Perte d'influence aggravée par la disparition
de son chef, le général Sikorski, dans un accident
d'avion le 4 juillet 1943 dans des circonstances dramatiques.
Le 18 juillet 1944, l'Armée rouge et les Polonais du général
Berling passèrent le Bug, et un ''Comité polonais
de libération nationale'' (P.KW.N.), s'installait à
Lublin le 24 juillet 1944, aussitôt reconnu par J.Staline
comme unique représentant du peuple polonais.
L'Armée
rouge poursuivait irrésistiblement son avancée vers
l'Ouest, pour arriver près des faubourgs de Varsovie en se
servant toujours de la contribution de l'A.K... A l'annonce du déclenchement
de l'insurrection de Varsovie, l'Armée rouge stoppa son avance
et mit l'arme au pied. Elle attendit pendant 63 jours sur la rive
Est de la Vistule que les nazis anéantissent totalement toute
la résistance non communiste qui agonisait dans Varsovie...
Le général Berling, chef de l'Armée Populaire
polonaise, se sentant soudain plus Polonais que communiste, réagit
et passa la Vistule entre le 15 et 17 septembre pour venir secourir
les insurgés. Privé de tout l'appui de l'artillerie
de l'Armée rouge il dut battre en retraite, laissant de nombreux
morts sur le terrain. Il fut aussitôt relevé de son
commandement et envoyé à Moscou... Et l'Armée
rouge attendit jusqu'au 2 octobre, que Varsovie fut intégralement
''nettoyée'' par les nazis...
Le 31 décembre 1944, B. Bierut déclara, au nom du
P.K.W.N. ''que l'heure était venue de créer un gouvernement
provisoire de la République de Pologne''. L'existence de
ce gouvernement provisoire fut ratifiée lors de la conférence
de Yalta (4-11 février 1945), et reconnue par les Alliés.
A cette nouvelle, la foudre s'abattit sur la tête des Résistants
polonais de l'Armée de l'intérieur, ainsi que sur
celle des soldats des armées polonaises qui combattaient
dans plusieurs pays au nom de la liberté. Ils se sentirent
soudain abandonnés... Leur Pologne, pour laquelle ils se
battaient depuis maintenant cinq ans, se retrouvait bouleversée
dans ses frontières et son système politique, et soumise
à la merci d'un de ses voisins qui avait voulu sa perte en
1939... Le gouvernement polonais en exil à Londres n'avait
maintenant plus d'existence officielle auprès des Alliés.
Une de ses dernières actions politiques fut de dissoudre
l'A.K. le 19 janvier 1945, pour éviter un bain de sang inutile.
En janvier 1945, l'Armée Rouge occupa les ruines de Varsovie,
et reprit son offensive d'hiver vers l'Ouest, renforcée par
l'Armée Populaire polonaise dont les effectifs furent grossis
par l'enrôlement des combattants de l'Armée de l'Intérieur,
et par la conscription de soldats polonais en provenance des territoires
déjà libérés. Forte maintenant de 300.000
hommes, elle participa avec succès aux batailles de Berlin
et de Bautzen-Dresden.
Jean Medrala |