Je
me souviens, j’étais une petite fille quand un gentil
Monsieur chantait à la radio un super-tube…. «
… za trzydziesci pare lat…. jak dobrze pojdzie…..
» soit « …. Dans trente et quelques années,
si tout se passe bien.... ».
Faut croire que tout s’est bien passé, puisque
les trente et quelques années ont passé, le Monsieur
en question, Jan Pietrzak et moi, Sabine, nous nous sommes rencontrés,
plus vieux de quelques trente et quelques années….
Jan
Pietrzak a toujours été présent dans le paysage
polonais, aussi loin que je me souvienne : dans les variétés,
bien sûr, mais aussi dans le paysage politique. Aucun de régimes
polonais des derniers quarante ans ne le portait dans son cœur
et le régime actuel encore moins que les autres…..
Il a été un peu le catalyseur, a fait rire plusieurs
générations de Polonais, y compris la génération
actuelle, avec ses blagues du passé, ses blagues du présent,
à moins que ça ne soit les mêmes…
Les années passent, les gens passent, les
problèmes restent et ils reviennent de façon récurrente….
J’ai vu déjà Jan Pietrzak en
spectacle, cela se passait au début 1981, à Bytom,
la ville où je travaillais. L’époque était
difficile, très sensible… Pietrzak, à force
de jouer avec les nerfs des autorités prenait de gros risques
avec les plaisanteries qui faisait rire tout le monde, sauf les
autorités….. Avec « sa grande gueule »
il est devenu tellement populaire, qu’il en est devenu intouchable.
Quand j’ai pris contact avec l’Association
Culturelle Polonaise du Luxembourg et que j’ai appris que
Jan Pietrzak allait venir au Luxembourg, aller le voir est devenu
une de mes priorités.
Dûment
invitée par ladite Association, j’ai réussi
à convaincre notre ex-chroniqueur beskidien, Philippe Aalberg,
d’abandonner son Comptoir pour une journée, ma chef
de m’octroyer une journée de congé et nous voilà
en route vers le Luxembourg, au départ de Nancy, en Lorraine.
Après quelques vagabondages à travers la ville de
Luxembourg, nous avons réussi à trouver l’endroit,
Monsieur Pietrzak était déjà sur scène
à répéter, à régler la sono,
l’éclairage, il restait quelques deux heures avant
le début du spectacle. Les organisateurs étaient en
train de s’affairer pour tout mettre en place : des longues
tablées, bougies parfumées, bar avec boissons diverses,
assiettes d’amuse-gueule…..
Profitant d’un moment de répit et
de pause…. Je me suis introduite auprès du Maître….
Monsieur Jan Pietrzak, pour m’entretenir un peu avec lui,
voir autre chose que son côté star et bête de
scène….. Je suis une grande timide… j’étais
aussi impressionnée que quand j’étais petite
fille…..
J’ai parlé à Monsieur Pietrzak
de Beskid, de notre site, de notre équipe…. 
Il m’a parlé de sa carrière,
de ses ennuis avec les gouvernements successifs et surtout de ses
ennuis avec les autorités actuellement en place, de l’Europe,
des espoirs et des désespoirs politiques et économiques
polonais.
On aurait pu croire… j’ai cru que la
situation avait changé en Pologne… il n’en est
rien, paraît-il.
Jan
Pietrzak, aujourd’hui, en 2003, reste interdit de médias
dans son propre pays. Vous ne le verrez pas à la télé,
vous ne l’entendrez pas à la radio. Les autorités
au pouvoir ont peur de Jan Pietrzak, et ils ont de quoi avoir peur,
selon les propres paroles de l’artiste…….
Jan Pietrzak est venu plusieurs fois en France, c’est sa troisième,
peut être quatrième, voire cinquième rencontre
avec la Polonia du Luxembourg. Début octobre il entamait
une tournée de trois semaines en Allemagne.
19
h 25, soit 5 minutes avant le début officiel du spectacle….
Derniers essais de la sono, premières blagues, puis l’artiste
passe au bar…. J’en profite pour retourner le voir,
de me faire photographier à ses côtés, en dégustant
un verre de rouge, bien français le rouge, bien sûr……
Nous attendons donc les retardataires…. Les
blagues fusent, des jeux de mots fusent, Monsieur Pietrzak annonce,
le verre de rouge à la main « czekam, ale nie wiem
w jakim stanie bede jak sie doczekam… » « j’attends,
mais je ne sais pas dans quel état je serai quand j’aurai
fini d’attendre… » , difficile à traduire…
ce petit jeu de mots…. Et il y en a eu plein…..
Et puis le vrai spectacle commence…. C’est
vrai, il est préférable de bien maîtriser la
langue polonaise et les situations politiques polonaises consécutives
pour bien suivre….
On rit, on rit, on rit encore….
Et chose curieuse, Philippe Aalberg, qui ne comprend
pas un traître mot de ce qui se passe sur scène, rigole
aussi…. Il me dira plus tard que rien que de voir Jan Pietrzak,
sa présence incontestable, sa mimique et sa gestuelle, on
a déjà de quoi rire…..
Et
puis il y a aussi quelques chansons….. et oui, Jan Pietrzak
s’est forgé une place d’honneur en tant que chanteur
et chansonnier, auteur et compositeur, avec quelques tubes intemporels,
donc le hymne polonais, non officiel « Zeby Polska byla Polska
» (Pour que la Pologne soit la Pologne), grand prix au festival
de la chanson d’Opole, repris durant les mois de l’état
de guerre en Pologne…..
Les minutes passent, les heures passent, pendant la pause, tout
le monde se presse pour acheter des CD du Maître, des livres
du Maître, que ce dernier signe avec plaisir.
Le spectacle terminé, nous nous apprêtons
à reprendre la route vers l’Alsace Lorraine, quand
les organisateurs nous proposent de les accompagner au restaurant.
Qu’à cela ne tienne, l’heure est tardive, le
travail c’est pour le lendemain matin, mais je ne passerai
jamais devant l’opportunité de dîner à
la même table que Jan Pietrzak.
Nous
prenons donc la route du restaurant… une nouvelle surprise,
la jeune patronne du restaurant, très belle femme du type
méditerranéen (le restaurant est espagnol) s’adresse
à nous dans un polonais impeccable… elle n’est
pas Espagnole, elle est Polonaise d’origine ukrainienne, mariée
à un Italien et ils tiennent un restaurant espagnol au Luxembourg….
Cherchez l’erreur…..
Je m’installe à côté de l’artiste,
l’honneur ultime (cela ne doit rien au hasard, bien entendu,
il faut savoir être au bon moment et au bon endroit…).
La soirée passe de façon très
agréable, à bavarder à bâtons rompus
avec la petite assemblée, avec Monsieur Pietrzak, qui s’avère
être d’une compagnie plus qu’agréable.
J’apprends quelques anecdotes sur sa vie, j’apprends
qu’il est très attaché à la Silésie,
dont je suis originaire, qu’il possède un café
théâtre dans la ville de Bytom, qu’il est très
proche de la population locale, très touché par le
chômage qui règne dans cette ville…..
Le
vin est toujours rouge, mais espagnol cette fois-ci…. La cuisine
excellente et la soirée passe trop vite. Finalement, aux
alentours d’une heure du matin, nous quittons la table, sur
l’insistance de Philippe, qui a du mal à garder les
yeux ouverts…. En ce qui me concerne, moi, je ne sens même
pas la fatigue, heureuse que je suis de cette journée et
de ma rencontre avec Jan Pietrzak, l’Artiste.
Je me couche vers 2 h 30, mais je passe une nuit blanche….
J’ai eu des jours tellement remplis d’émotion,
d’adrénaline qui me porte, je suis heureuse….
Je vous le raconterai….. un jour….
En attendant et après avoir remercié Monsieur Denis
Moulin et son épouse Teresa, de l’Association Culturelle
Polonaise du Luxembourg, de m’avoir permis de partager avec
eux ces quelques heures privilégiées en compagnie
de Monsieur Pietrzak, je m’empresse d’apposer ma signature
au bas de ces quelques lignes, pressée comme je suis par
le webmaster Stéphane, qui a hâte de boucler ce nouveau
numéro.
Mais je vous promet une petite suite le mois prochain,
avec quelques textes, en version bilingue, quelques dessins, quelques
blagues, toujours de Jan Pietrzak…
A la prochaine, donc….
En attendant, je vous invite à visiter le
site officiel de Jan Pietrzak http://www.pietrzakjan.com.pl/
Sabine Raffin
Sabine@beskid.com
|