Gazet@
Beskid : Ce qui nous a frappé
à la lecture de vos ouvrages, c'est qu'ils fourmillent d'anecdotes
sur le quotidien des polonais au début du vingtième
siècle. Comment avez vous eu accès à tant de
détails ?
Alain Szelong : Nous avons bénéficié
de beaucoup de chances. La première d'entre elles est le
fait que mon grand-père Michel qui, vous l'avez constaté,
a eu une vie bien remplie, l'a transmise à son fils Edmond
tout au long de sa vie. Dès 1981, ce dernier a commencé
à prendre des notes sur un cahier. Il souhaitait transmettre
à ses enfants la mémoire de leurs racines. La seconde
chance est que mon père a eu suffisamment de sensibilité
pour retenir tout ce que mon grand-père, décédé
trop tôt en 1982, lui avait raconté. Mon père
possédait donc la matière. Je suis intervenu pour
mettre en forme.
G.B.
: Mais tout de même, entre des notes sur un cahier, quelques
souvenirs et une rédaction cohérente, il y a tout
un monde !
A.S. : En effet ! Au départ,
il s'agissait d'un puzzle éparpillé, constitué
d'anecdotes qu'il fallait replacer dans le contexte historique,
de manière chronologique. C'est à cette occasion que
nous nous sommes aperçus combien la grande et la petite histoire
s'imbriquent l'une dans l'autre. Nous nous sommes documentés,
nous avons lu, retrouvé des archives personnelles. Petit
à petit l'idée de faire un livre s'est imposée.
G.B.
: Ce n'était pourtant pas votre métier ?
A.S : Pas du tout, j'étais
employé de banque ! Et mon père ouvrier métallurgiste.
Nous avons commencé un travail d'écriture avec la
volonté de publier à partir de 1986. Ce travail a
duré jusqu'en 1991. Le premier manuscrit, en format A4, comprenait
700 pages. Nous avons pris contact avec les éditeurs. Et
tant qu'à faire, avec les plus grands.
G.B.
: Et alors ?
A.S. : Et bien, nous étions
refusés partout. Certains nous demandaient même de
l'argent pour nous retourner le manuscrit ! Au bout d'un grand nombre
de refus, nous avons essayé de savoir pourquoi. La règle
dans l'édition est de ne pas communiquer les fiches de lectures.
Cependant, nous avons eu quelques informations. C'est la preuve
que, contrairement à une idée répandue, les
éditeurs lisent toujours ce qu'ils reçoivent.
G.B
: Quel était le verdict ?
A.S. : Trop long ! Il faut savoir
que 700 pages en format A4 représentent un livre imprimé
de 1000 pages environ. Le contenu était également
trop riche, trop embrouillé. Bref, ça n'allait pas,
le manuscrit était impubliable en l'état.
G.B.
: Cela ne vous a pas découragé ?
A.S : Comme nous ne faisions pas ça
pour de l'argent, que nous avions d'autres métiers, pas trop.
Nous avons entamé à partir de 1991 un travail de réécriture
en décidant de couper l'ouvrage en 2. Et puis Claude Prévost,
Président de la Société des Ecrivains Ardennais
avait lu le premier manuscrit et avait été impressionné.
Il nous a adressé de vifs encouragements qui nous ont soutenus.
G.B.
: Donc, vous recommencez tout à zéro ?
A.S. : Pratiquement. Ma sur
Valérie a été d'une aide précieuse pour
l'orthographe et la grammaire ! En 1996, nous avons recommencé
les démarches auprès des éditeurs. Et puis
au printemps 1998, un ami de la famille, journaliste spécialiste
des pays de l'Est au journal l'Express, nous obtient un rendez-vous
à Paris avec Madame Michalski, Directrice des Editions Noir
sur Blanc. A notre totale surprise, le contrat était sur
la table prêt à être signé.
G.B.
: Vous signez donc
A.S. : Et bien non ! Nous étions
en train d'améliorer la qualité et nous souhaitions
finir ce travail.
G.B.
: On peut dire que vous ne manquez pas de constance ! Quand donc
avez vous signé avec les Editions Noir sur Blanc ?
A.S : En septembre 1998. Le livre
Ozarow les racines polonaises est sorti début 99, tiré
à 2000 exemplaires.
G.B.
: Vous en aviez donc terminé avec cette aventure.
A.S. : Pas du tout ! Un auteur qui
imagine qu'une fois son livre publié tout roule pour lui
risque fort de finir au cimetière des écrivains oubliés
et son livre au pilon ! Il fallait promouvoir le livre. En ce qui
nous concerne, nous avons commencé par le salon du livre
de Paris. Nous sommes également allés à l'émission
de Bernard Pivot dans laquelle il recevait Geremek et puis comme
invités au "Cercle de Minuit" sur France 2. Evidemment
nous participons aux salons du livre organisés dans les régions.
G.B.
: La grande vie !
A.S. : C'est un peu vrai ! Je dois
dire que les organisateurs de ces manifestations nous accueillent
toujours chaleureusement. Et puis il y des moments extraordinaires
dans la rencontre avec les lecteurs. Nous avons continué
à écrire puisque le livre Polonais en France est sorti
au début de l'année 2001. Actuellement, nous travaillons
sur un troisième ouvrage prévu fin 2002.
G.B.
: Entre le cahier de 1981 et le second ouvrage en 2001, vingt années
se sont passées. Vous mettez presque autant de temps à
écrire la vie de votre grand-père que celui-ci à
vécu la sienne. Que retirez-vous de cette expérience
?
A.S. : Comme je vous le disais nous
avons écrit ces livres pour laisser une trace. L'histoire
de mon grand-père, comme l'histoire de notre famille, tous
les immigrés polonais peuvent s'y retrouver. Pour nous seconde
et troisième génération, il est important de
savoir d'où nous venons. Et puis il faut parler de la Pologne,
toujours et sans cesse. Ce pays fait partie intégrante de
l'Europe. Mais ce n'est pas à ceux qui font Gazet@ Beskid
que je vais apprendre ça !
Propos recueillis par Philippe Aalberg
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