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LES ‘‘ PERES FONDATEURS’’ DE L’EUROPE

Dans un discours resté célèbre prononcé en 1946 à Zurich, Winston Churchill énonce l’idée « d’une sorte d’Etats-Unis d’Europe » où régnerait paix et prospérité de « l’Atlantique à l’Oural ». Sorti meurtri de la Seconde Guerre Mondiale, le Vieux Continent tente alors de renaître de ses cendres. Des hommes politiques de tous horizons travailleront dès 1948 à la construction d’un espace régional dynamique et prospère, fondé sur le principe du volontariat et des intérêts économiques communs. Ces « pères fondateurs » seront à l’origine du traité de Rome de 1957, qui marque le début d’une nouvelle ère pour l’Europe.

I) LES INSTIGATEURS DE LA « REVOLUTION » DE LA CECA

A) Jean Monnet (1888-1979), l’initiateur de l’organisation économique de la CECA

En 1914-1918, l’apport de Jean Monnet à l’effort de guerre allié fut tel, que l’historien Jean-Baptiste Duroselle n’hésita pas à déclarer que la victoire éclatante du Maréchal Foch lui revenait en partie. Son sens de l’organisation économique fut notamment dévoilé par son rôle majeur dans la création en 1917 du Conseil Interallié, chargé de coordonner le financement des forces maritimes alliées. Suite au Traité de Versailles de 1919, il devient premier vice-Secrétaire Général de la Société Des Nations, fonction qu’il occupera jusqu’en 1923. Il ne cessera durant son mandat de prôner une vision communautaire de l’Europe, seul moyen selon lui pour le continent de retrouver sa puissance d’antan, ainsi que la paix.
Dans les années 1930, Monnet se fait un nom dans le monde des affaires, notamment au Royaume-Uni et outre-Atlantique. Nommé en 1939 à la tête du Comité de Coordination de l’effort de guerre franco-britannique, il participe à l’élaboration du fameux Victory Program deux ans plus tard, puis devient membre du Comité Français de Libération Nationale aux côtés de De Gaulle. Une fois le conflit fini, le Général le nomme Commissaire Général au plan, avec pour mission de remettre sur pied l’économie française via une politique de planification stricte, basée sur une augmentation progressive de la production. Persuadé de la nécessité de réconcilier l’Allemagne et la France, il rédige la déclaration de Robert Schuman datée du 3 mai 1950 ( plan Schuman ) et préside de 1952 à 1955 la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier, esquisse d’une future Europe qui « ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble,[mais] par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait ». Fervent défenseur d’une Europe supranationale, il sera à l’origine du Traité de Rome de 1957, créant un Marché Commun européen.

B) Robert Schuman ( 1886-1963), le penseur de l’Europe communautaire

Robert Schuman fut dès son plus jeune âge un Européen convaincu : né au Luxembourg et de nationalité française, il grandit en Lorraine, une région qui resta sous tutelle allemande jusqu’en novembre 1918. Diplômé en droit outre-Rhin et avocat de formation, il est élu à la Chambre des Députés en 1919. Ancré profondément à droite, il prône alors une Europe forte. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, il entre dans la Résistance, se faisant même déporter vers un camp de concentration. En 1947, il revient sur le devant de la scène politique en tant que président du Conseil. Il permet l’adoption du plan Marshall dans l’Hexagone d’une part, et entame le rapprochement franco-allemand, en mettant notamment fin à l’occupation française de la Ruhr.
En 1950, alors qu’il occupe le poste de Ministre des Affaires Etrangères, il propose le plan Schuman, qui vise à mettre en commun les ressources charbonnière et acière de plusieurs Etats sous le contrôle d’une organisation supranationale. Reprenant ainsi les idées de Jean Monnet, Robert Schuman souhaite supprimer les contingentements et les droits de douane entre les pays membres de la « petite Europe », autrement dit les six pays signataires du Traité de Paris d’avril 1951 (la France, l’Allemagne, l’Italie et le Benelux). La CECA engage de ce fait de manière concrète la réconciliation entre Paris et Bonn. Par contre, son projet d’une Communauté Européenne de Défense (1952) se solde par un échec cuisant, mettant fin à la construction européenne par la voie de la supranationalité. Malgré ce revers politique, Schuman acceptera de présider le Mouvement européen à partir de 1955, puis l’Assemblée européenne de 1958 à 1960.

II) LES PERES POLITIQUES DU TRAITE DE ROME

A) Konrad Adenauer ( 1876-1967) : l’Europe, une nécessité pour l’Allemagne

Né à Cologne en 1876, Konrad Adenauer obtient une éducation très catholique, qui lui permettra notamment d’être à la tête du parti catholique allemand (le Zentrum) dans les années 1930. L’Allemagne est alors complètement sous l’influence des nazis, regroupés autour d’Adolf Hitler. Demis de son poste de maire de Cologne, puis envoyé dans un camp de concentration en 1944, il participe à la reconstruction du pays durant l’après-guerre. En s’appuyant sur les bases de l’ex-Zentrum, il crée une nouvelle force politique, l’Union Chrétienne Démocrate (ou CDU). Proeuropéen, il devient chancelier en 1949 et engage une vaste campagne visant à intégrer l’Allemagne à l’Europe de l’Ouest, afin de ne pas tomber sous le joug communiste. Il fait entrer sa nation au Conseil de l’Europe (1950), puis soutient le plan Schuman et la CECA. La signature du Traité de Rome en mai 1957 marque l’aboutissement de sa lutte en faveur de l’intégration de l’Allemagne au niveau continental.

B) Paul-Henri Spaak (1899-1972) : sans Europe, point d’avenir pour le Benelux

Diplômé en droit à l’université de Bruxelles, membre du Parti Socialiste belge, Spaak est élu député en 1932. Il occupera par la suite différents postes ministériels, notamment celui de Premier Ministre (1938-1939, en 1946 et de 1947 à 1949). Pendant la Seconde Guerre Mondiale, il s’exile à Londres, où il développe peu à peu une vision communautaire de l’Europe. Favorable à la supranationalité, il réalise en 1944 une union douanière entre la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg, appelée Benelux. Deux ans plus tard, il devient le premier Président de l’Assemblée Générale de l’Organisation des Nations Unies. Partisan d’une Europe unie, sympathisant du Mouvement Européen, il devient Président du Conseil de l’Europe en 1949, puis de la CECA (1954). Il aura un rôle-clé dans l’élaboration du Traité de Rome et dans la création de la Communauté Economique Européenne.

C) Alcide De Gasperi (1881-1954) : le renouveau de l’Italie passe par l’Europe

Italien d’origine, il est né en 1881 à Pieve Tesino, une petite ville alors sous domination austro-hongroise. Après de brillantes études à l’université de Vienne, il intègre la rédaction d’Il Nuovo Trentino en 1905, où il ne cessera de souligner le caractère italien de la Tyrol du Sud (Trentin actuelle). Il représentera d’ailleurs à partir de 1911 cette région au Parlement autrichien. En 1919, Rome reprend le contrôle du Trentin ; Gasperi en profite pour créer le Parti Populaire Italien et se faire élire député. Opposant de la dictature mussolinienne, il est incarcéré en 1926. Il participe activement à la Résistance italienne pendant la guerre, créant un nouveau parti, le Parti Démocrate Chrétien. En décembre 1944, il est dans le gouvernement de transition, avec le portefeuille des Affaires Etrangères. Président du Conseil de 1945 à 1953, il permet à son pays d’intégrer l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (1949). Européen convaincu, Alcide De Gasperi estimait que l’Italie post-fasciste ne pouvait se renaître de ses cendres que dans le cadre d’une Europe forte et fédérale. Il est élu à la tête de la CECA en 1954, et permet à sa nation de faire partie de l’Europe des Six trois ans plus tard.

CONCLUSION : Conscients que l’Europe ne pouvait être que le résultat d’une volonté sans faille qui transformerait les fragilités respectives des Etats en atouts communs, les « pères fondateurs » de la CEE ont permis au continent d’entamer une nouvelle ère de son Histoire, fondé sur le communautarisme, et qui se poursuit encore aujourd’hui dans le cadre d’une Europe bientôt élargie…

Adam Zohry, étudiant de 1ère année à
l’Institut d’Etudes Politiques de Paris (Sciences Po)

 





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