Eh
oui, nous y voilà! L'an 2000 fait maintenant parti du passé, tout
comme le XXème siècle. Nous sommes désormais entrés dans le IIIème
millénaire. Ce n'est pas pour autant qu'il faut oublier les moments
et les êtres qui ont fait rêver tant de personnes à travers le monde...
C'est la raison pour laquelle je vais essayer de vous faire revivre
l'une des plus belles heures de gloire du football polonais: le
splendide parcours de son équipe Nationale lors du Mondial'74, un
exploit qui restera à tout jamais gravé dans nos mémoires...
10 septembre 1972: l'équipe olympique polonaise crée la surprise
en remportant les Jeux de Munich face à la Hongrie par 2 buts à
1, alors qu'ils étaient menés au score à la mi-temps. Du coup, les
Hongrois se voyaient détrônés du titre olympique qu'ils possédaient
depuis 1964. Mené par son capitaine, l'excellent Wlodzimierz Lubanski,
la Pologne avait auparavant terminé première de sa poule, devant
l'URSS (!!!), la RDA et le Danemark. La couronne de meilleur buteur
du tournoi revint à Kazimierz Deyna, le meneur de jeu du Legia Varsovie.
Le stage de préparation que la sélection avait mené à Zakopane s'était
donc avéré payant. Tout cela pour vous dire que l'extraordinaire
épopée des Polonais deux années plus tard n'était pas le fruit du
hasard, mais l'aboutissement logique d'un travail sérieux mené de
bout en bout par la fédération polonaise (PZPN) ainsi que par le
sélectionneur Kazimierz Gorski. En effet, à la fin des Jeux, on
confia à ce dernier les rênes de l'équipe A, avec pour but de se
qualifier pour la Coupe du Monde. Et c'est tout naturellement qu'il
fit confiance à l'ossature du Onze qu'il mena au titre olympique...
Pourtant, les choses commencèrent plutôt mal pour la Pologne lors
du premier match de qualification, face au Pays de Galle en mars
1973. En effet, les Rouges et Blancs se firent surprendre à Cardiff
en perdant par 2/0. Heureusement, les Slaves se retrouvèrent durant
la rencontre qui les opposa à leurs éternels adversaires, les Anglais.
La partie fut remportée dans le stade fétiche de Chorzow grâce à
des buts signés Banas et Lubanski. Les Polonais se vengèrent par
la suite face aux Gallois, en les battant par 3/0. Robert Gadocha,
Jan Domarski et celui qui allait beaucoup faire parler de lui lors
des phases finales, Grzegorz Lato, crucifièrent chacun à leur tour
le goal-keeper venu d'Outre-Manche. Ainsi arriva ce fameux jour
d'octobre 73, une date inoubliable dans l'Histoire du football mondial.
L'Angleterre jouait le tout pour le tout face à la bande à Gorski,
dans leur arène de Wembley. Il suffisait d'un match nul à la Pologne
pour se qualifier, alors que la victoire était impérative pour les
sujets de Sa Majesté, qui n'avaient que 3 points à leur actif, contre
4 pour les Polonais. Le Pays de Galle était d'ores et déjà éliminé.
La première mi-temps fut très disputée, mais se termina par un score
vierge. A la reprise, les visiteurs prirent l'avantage sur un but
à la 57ème minute de Domarski. Les locaux réagirent rapidement,
en marquant six minutes plus tard sur penalty. Néanmoins, le score
en resta là jusqu'à la fin de la rencontre. Le monde entier était
sous le choc: les Anglais, les pères du football et champions du
monde 1966, étaient pour la première fois dans leur histoire éliminés
en tour préliminaire des championnats du monde. L'Angleterre toute
entière était en pleurs, alors que la Pologne attendait tranquillement
son heure...
Nous voici donc en 1974. Les Polonais revenaient en terre ouest-allemande
pour participer au Mondial. Ils n'avaient pas hérité du groupe le
plus facile, avec l'Italie, l'Argentine et Haïti. De plus, la sélection
se trouvait fort handicapée, étant donné l'absence de Lubanski qui
ne faisait pas parti du voyage à cause d'une blessures. Fort heureusement,
il avait un remplaçant de marque, en la personne de Lato, l'attaquant
du Stal Mielec. L'entrée en lice de l'équipe Nationale fut réussi,
avec une victoire 3/2 face aux Sud-Américains, un match qui fut
beaucoup moins serré que ne laisse présager le score final. Lato
trouva par deux fois le chemin des filets adverses, et Szarmach
une fois. Déjà, les Polonais avaient surpris par leur jeu vif, parfaitement
orchestré par le capitaine (en l'absence de Lubanski) Deyna.
Pour l'anecdote, les numéros des maillots des joueurs étaient erronés.
A qui revenait la faute? Tout simplement aux fournisseurs, qui avaient
mal compris la feuille contenant la liste des joueurs préparée par
l'entraîneur Gorski. En effet, ce dernier avait classé les joueurs
selon un ordre qui n'était ni celui des postes, ni celui des numéros,
contrairement à ce qu'ont pensé les responsables de la firme vestimentaire.
C'est ainsi que les téléspectateurs du monde entier furent étonnés
de voir, par exemple, le génial gardien de but Jan Tomaszewski avec
un drôle de n°2 collé au dos...
Cela n'enlevait en rien la bonne impression laissée par les Bialo-Czerwony,
au contraire, les gens n'en éprouvaient que plus de sympathie à
l'égard de ces jeunes venus de l'Est. Le second match de poule fut
une véritable promenade de santé, avec un cinglant 7/0 face à Haïti.
Ces derniers subirent la loi des Lato (qui mit encore deux autres
buts à son actif), des Szarmach ( un hat-trick), des Deyna et autres
Gorgon. Mais ce fut après sa victoire 2/1 (Réalisations: Szarmach
et Deyna) face au finaliste de Mexico'70, l'Italie, que la Pologne
commença réellement à inquiéter les prétendants au sacre final.
Avec trois matches gagnés en autant joués, la bande à Kasperczak
avait fait carton plein.
Les Slaves tombèrent ensuite dans le groupe comprenant la Suède,
la Yougoslavie et le pays organisateur, la RFA.
Lato permit à ses coéquipiers de venir à bout des Scandinaves. Face
aux Yougoslaves, il fut épaulé par Deyna, qui inscrivit un but sur
penalty. Quand aux hôtes, ils avaient également remportés leurs
deux rencontres. Le dernier match était donc décisif pour désigner
celui qui affrontera les Pays-Bas de Cruyff en final. C'était le
3 juillet 1974. L'affiche était grandiose. D'un côté, le jeu réaliste
et dur des Allemands de l'Ouest, avec des joueurs internationalement
connus (surtout issus du Bayern de Munich), tels que Maier, Vogts,
Müller, Breitner, Hoeness, Bonhof, sans oublier bien sûr le "Kaiser"
Franz Beckenbauer. De l'autre, la révélation du tournoi, la Pologne
et son jeu original, très rapide et tactique, proche de celui des
Néerlandais, que l'on surnomma "le football-total", c'est-à-dire
l'abandon de la rigidité du 4-2-4 ou du 4-3-3 pour un système de
"rotation" entre les différents postes.
Ce jour-là, il pleuvait fortement sur le terrain, ce qui gênera
beaucoup les équipes par la suite. On assista quand même à un très
beau spectacle. Les deux formations étaient au coude à coude jusqu'à
la 76ème minute. L'arbitre siffla alors un penalty en faveur des
Germaniques. Tomaszewski arrêta superbement la balle, mais elle
retomba sous les pieds de Gerd Müller, qui se fit un plaisir de
concrétiser. Ce fut la première et dernière défaite de la Pologne
durant ces phases finales.
Néanmoins, le pays tout entier explosa de joie quand son équipe
réussit à battre, lors du match pour la troisième place, les vainqueurs
de l'édition précédente qui n'étaient autres que les Brésiliens.
Et cela, grâce un but phénoménal de l'inévitable Lato. Les Polonais
plus forts que les Cariocas? Le rêve devenait réalité, et le plaisir
était partagé partout dans le monde. Lato et Szarmach terminèrent
aux deux premières places des meilleurs buteurs de la compétition,
avec respectivement 7 et 5 réalisations à leur actif. Quant à Deyna,
il fut troisième à l'élection du Ballon d'Or de France-Football.
Ainsi, il faisait parti, avec Beckenbauer et Cruyff, des meilleurs
joueurs de l'année 1974. Un titre qu'il n'avait pas démérité...
Au jour d'aujourd'hui, au XXIème siècle, cette équipe fait toujours
parlé d'elle, non seulement en Pologne, mais partout sur Terre.
Ainsi, lorsque je me promène dans les rues de Casablanca (j'habite
au Maroc), je fais souvent connaissance avec des gens qui ne peuvent
s'empêcher de me rappeler, quand je leur fais part de mes origines
polonaises, que lors de RFA'74, les Deyna, Gadocha, Lato, Kasperczak,
Szarmach et compagnie les avaient impressionné, tant par leurs imposants
physiques que par leur jeu innovateur. Ces gens-là s'étaient même
surpris à encourager les Polonais durant toute la compétition...Allez,
croisons les doigts pour Japon/Corée 2002!!!
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Adam Zohry