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Witkiewicz
Dramaturge génial en avance sur son temps…









Mot de l'auteur

Dans l'article précédant j'avais traité de l'émergence des mouvements d'avant-garde, qui dans le contexte d'après-guerre (1914-18) poussaient comme des champignons et qui fut un moment de production artistique et littéraire intense en Pologne, comme partout ailleurs.

Ce présent article est, quant à lui, consacré au grand dramaturge et écrivain Stanislaw Ignacy Witkiewicz (1885-1939), qui fut l'enfant terrible, mais génial, des lettres polonaises avant d'être reconnu comme l'un des phénomène artistiques les plus originaux et les plus significatifs de la Pologne en pleine crise politique et culturelle de l'entre-deux guerres.

Aurais-je jamais de moi-même écrit sur Witkiewicz ?!
J'en doute…j'avais déjà pris connaissance de sa biographie lors de mes cours de littérature à l'université, lors de la lecture de " la sonate de Belzébuth ".
Mais ce sont ses romans et surtout sa philosophie du catastrophisme et de l'inassouvissement qui éveillèrent en moi une grande curiosité et petit à petit un immense intérêt tant sur le plan littéraire que philosophique.
Bien entendu vu l'étendue et la complexité de sa production on ne saurait aborder sa vie, entourée de légendes et de mystères, et son œuvre tant aussi philosophique que littéraire en quelques pages, néanmoins j'espère donner satisfaction à votre curiosité, en abordant les principaux moments importants de sa vie et les thèmes marquants de son œuvre.

Ce present article s’inspire directement de mes notes de cours à l’ULB mais aussi des « Cahiers de Witkiewicz Nr 5 »
(Witkiewicz et la philosophie , 1984 Ed. l’Age d’Homme textes rassembles par B. Michalski) du livre « S.I. Witkiewicz génie multiplede Pologne » (Ed. l’Age d’Homme, 1981 mélange d’etudes, de dossiers, de peintures assembles par Alain Van Crugten a l’occasion du festival Witkiewicz a Bruxelles en novembre 1981) voir bas de page, sources.


 











Le personnage

" Stanislaw Ignacy " (ces deux prénoms les différencient de son père qui s'appelait Stanislaw), sur deux de ces trois noms, il a fabriqué un pseudonyme : WITKACY (WITkiewicz ignACY); d'une manière générale, c'est un auteur particulièrement difficile, il réunit en lui un grand nombre de tendances communes aux différentes avant-gardes de l'époque.
Il fut particulièrement fécond, et produisit de nombreux drames, romans, articles et essais philosophiques.

Génial dramaturge, il fut méconnu et ignoré de son vivant, sauf par une poignée d'amis et d'admirateurs conscients de son grand talent.
Tout comme les avant-gardistes de son époque, Witkacy n'était pas vraiment désireux de conquérir la notoriété du grand public, c'est un homme sans compromis, se refusant à toute concession pour faire jouer ses pièces, mais comme certains artistes il jouissait d'un certain plaisir à se sentir incompris.
Une dizaine de ses pièces (sur la vingtaine que comportait son oeuvre) furent jouées avant la guerre mais ne furent représentées que quelques fois.
Bien qu'ignoré, il était très connu dans la " bohème polonaise " et entretenait des relations épistolaires suivies avec des philosophes polonais, anglais et allemands.
Le grand public a reconnu Witkiewicz à la fin des années '50, après la deuxième guerre mondiale, soit à une période de guerre civile (durant laquelle le pouvoir communiste combattait encore les milices de l'Armia Krajowa AK) suivie par la période dite stalinienne furent peu favorables à la redécouverte de talents littéraires aussi non-conformistes et marginaux.

C'est en 1957 que paraît un gros volume commémoratif sur Witkiewicz, et en 1962, pour la première fois en Pologne populaire (Rzeczpospolita Ludowa) paraît une édition complète de son œuvre théâtrale, Witkiewicz connaît alors une étonnante carrière posthume: dès leur édition, on commença à jouer ses pièces.

Stanislaw Ignacy Witkiewicz est né en 1885 dans une famille de petite noblesse terrienne peu fortunée.
Il passa son enfance à Zakopane, alors centre culturel important à la fin du XIX?me siècle.
Son père, Stanislaw Witkiewicz, est peintre, écrivain et architecte, il a projeté un type de chalet communément répandu sous l'appellation de " style Zakopane ".
Etant une figure de proue de la culture de son époque, il est notamment à la base du renouvellement d'intérêt de la littérature polonaise pour le folklore national.
Le père Witkiewicz était décidé à élever son fils dans un esprit issu de la notion de l'artiste romantique, avec le postulat que l'enfant, dès le départ, est un individu à part entière, un "Artiste" !
Witkacy n'ira pas à l'école, il est isolé des autres enfants, ce qui développe chez lui l'idée d'être unique, et discute avec les nombreux intellectuels venus à la rencontre de son père, par ailleurs il lit énormément notamment Shakespeare.
C'est à l'âge de 8 ans qu'il écrit sa première série de pièces shakespeariennes: " Comédie de la vie de famille ".
très jeune, il s'adonne à la peinture et au dessin, à la philosophie, à l'âge de 17-18 ans il écrit un essai philosophique: " Rêveries d'un improductif ".
Adolescent, Witkacy se distingue déjà par son caractère très changeant, volontiers ombrageux et par les originalités qui lui vaudront d'être entouré de légendes parfois de mauvais aloi: on le disait érotomane, trop idéaliste, drogué et fou.
Il avait un goût très vif pour la mystification, typique des mouvances avant-gardistes, mais étrangement il ne produit rien d'important avant la trentaine.
En 1910, il publie un roman: " les 622 chutes de Bungo ou la femme démoniaque " (roman autobiographique) et sur le plan pictural, il peindra essentiellement des paysages.
Au début de 1914, Witkacy est bouleversé par le suicide de sa fiancée; dans un état dépressif, il quitte la Pologne pour suivre l'expédition d'un de ses amis, Bronislaw Malinowski, en Australie et en Nouvelle-Guinée en qualité que photographe et explorateur.

La guerre ayant éclaté, Witkacy rejoint son pays et est enrôlé dans l'armée russe; élève officier, puis officier subalterne, il va connaître les horreurs de la guerre et parallèlement à cela les orgies des officiers de la garde tsariste, et en sera bouleversé.
Il assiste à la révolution bolchevique d'octobre à Moscou, il sera choisi comme commissaire de son régiment par les soldats, mais fuit les tranchés et rentre épuisé à Zakopane en 1918.
Peu après son retour, il publie un opuscule: " Formes nouvelles en peinture " dans lequel il élabore sa théorie de la "forme pure" qu'il étend plus tard au théâtre.
Il écrit également dans de nombreuses revues dans lesquelles il répète inlassablement ses théories.
L'année 1918 marque le début d'une période d'une production exceptionnelle qui va durer jusqu'en 1926, il peint aussi beaucoup et très vite de grandes compositions à l'aspect mystérieux et oniriques, mais dans la gent intellectuelle de Zakopane, ses oeuvres ne rencontrent pas de vifs succès; la critique l'éreinte, lui reprochant d'écrire des prières absurdes et incompréhensibles, de se complaire dans un non-sens gratuit et de se moquer du public.
Witkacy contre-attaque dans des articles polémiques, pour lui un seul théâtre est possible celui de la " forme pure "; il est seul contre tous et fier de l'être, il cesse alors d'écrire, prétendant qu'il n'a plus rien à prouver au théâtre.
C'est son deuxième renoncement après la peinture de paysages.
Dès lors, il va se lancer dans le roman: en 1927, il publie " l'Adieu à l'automne " et en 1930 " l'Inassouvissement ", romans de facture très originale où la psychologie et la philosophie prennent la plus grande part, mais dont l'intrigue politico-sociale est aussi une satire féroce de la Pologne nationaliste et populiste de l'entre-deux guerres.
De 1914 à sa mort, Witkacy vit alternativement à Zakopane et à Varsovie, passant 6 mois avec sa femme dans la capitale et vivant seul à la montagne, son mariage n'a pas été un événement important dans sa vie.

" Les Cordonniers ", marque le sommet de son oeuvre, mais sa dernière œuvre sera un roman inachevé qui n'avait pas été publié car il devait comporter une suite: " La seule issue ".

Au fil des ans, il est atteint de psychose maniaco-dépressive, dans les années '30 Witkacy envisage de plus en plus le suicide comme solution.
Le 1er septembre 1939, les troupes allemandes envahissent la Pologne, c'est la blietzkrieg d'Hitler, et Witkacy comme beaucoup de ses compatriotes fuit vers l'est du pays.
Le 17 septembre, les Soviétiques envahissent à leur tour la Pologne, conformément à la clause secrète du pacte germano-soviétique; les Polonais sont pris dans la trappe tendue par Hitler et Staline.
Pour Witkiewicz ce n'est pas une surprise, il avait toujours affirmé que la civilisation européenne marchait à grands pas vers l'anéantissement et que celui-ci serait provoqué par le nivellement social et par les démons qu'elle aurait auto-générée.
En fait, l'invasion soviétique annonce le cataclysme qu'il avait prédit: il n'y aura plus de place dans la société pour l'individu libre, mais seulement pour l'homme mécanisé dont les pensées, l'idéologie, les habitudes seront préprogrammées.
Si l'Homo Universalis était possible à la Renaissance, il ne l'est plus à notre époque, il est voué à être remplacé par l'homme robot !
En clair Les hommes sont voués à être colonisés par des images et idées préprogrammées par les autorités, le pouvoir et ainsi la mémoire collective en sortira saignée…

Etrange coïncidence on prédiction d'un artiste-philosophe en avance sur son temps ?!?

Vu les troubles et problèmes entourant le grand projet de la globalisation mondiale (politique, sociale, économique, de l'information, etc…) et des projets de l'établissement d'un "gouvernement mondial" (?voir groupe Bilderberg, réunion du G7+1, etc…) qui prévoit un monde dans lequel l'individu ne serait plus qu'un citoyen consommateur (d'images, de produits divers, etc…) on comprend mieux les craintes fondées de Witkiewicz qui voit les choses à nu et recherche l'essence même de tout élément, il tient les yeux ouverts pendant que les " autres " dorment.
Dans le monde de Witkacy, il n'y a pas de néant, tout est ainsi fait de présences et d'absences avec le grand " Pourquoi ? " à la base de la conscience de l'être: je questionne donc je suis conscient d'être!
Witkiewicz tire très vite les conséquences logiques de cette conviction et de l'approche du grand cataclysme annoncé : il absorbe une forte dose de barbituriques, puis se tranche les veines…


Réflexions sur œuvre de Witkacy

Il serait superflus de parler de la production artistico-littéraire de Witkiewicz sans aborder le problème et l'aspect de sa philosophie.
L'idée de base vient de son éducation ultra-individualiste profondément ancrée en lui qu'elle est l'axe de son système.
A la base de ses réflexions se trouve la stupéfaction d'être, en fait d'être unique, soi-même et pas un autre, de représenter une unité distincte, inimitable et inconnaissable parmi la multiplicité des autres existences du monde ambiant, bien que cela le rapproche du personnage de Nietzsche, on ne peut le confondre avec l'image du surhomme nietzschèen.
En fait, l'angoisse naît de l'interrogation devant le grand mystère de l'existence, nous sommes distincts et méconnaissable, de tout ce qui existe autour de nous, et cette interrogation s'est posée à l'humanité depuis ses débuts, il a fait naître en l'homme le sentiment d'angoisse métaphysique.
L'homme s'est efforcé de dominer cette angoisse en répondant à la question, ce qui amena successivement l'apparition de la religion, de l'art et de la philosophie.
Sur ce point on peut à nouveau se référer à Nietzsche, quant il s'agit de remplir le " vide " (le néant), l'interrogation par différentes structures (religion, philosophie, etc…), mais aujourd'hui on s'aperçoit que ces trois domaines sont soit morts soit agonisant, étant vidées de leur sens.
La religion est morte, elle est devenue un ensemble de gestes et de paroles sans signification profonde, de folklore en quelque sorte, la philosophie est en train de mourir, car elle se répète et ne répond plus aux grandes questions, et l'art est pratiquement étouffée par la commercialisation de son essence même !

D'une façon générale, la religion et l'art qui sont étroitement liées ont dégénéré car ils ont complètement oubliés leur fonction de faire communier les hommes dans le sentiment métaphysique, l'art a suivi la route de la décadence à partir du classicisme, bien qu'il s'est ? nouveau identifié ? la religion et au mystère de l'Existence durant la Renaissance.
Witkiewicz considère que la société des hommes est devenue l`objet d'un culte dont l'ascension vers le pouvoir est devenue impossible ? arrêter, il voit le présent et l'avenir sous le jour le plus noir:
" La sphère du bien et du mal est la plus relative de toutes les sphères de la réalité ! ".

Ce qui nous attend, selon Witkiewicz, dans l'avenir (c'est-à-dire aujourd'hui) c'est une mutation de l'espèce humaine :
" Ce qui nous attend, c'est l'épouvantable ennui d' une vie mécanisée sans âme, dans lequel les petits de ce monde (nous !) baigneront pendant les brefs instants de liberté que leur laissera la diminution d'un travail…
Le gens de l'avenir n'auront besoin ni de Vérité, ni de la beauté; ils seront tous simplement heureux, n'est ce pas assez ?!…
La Vérité est devenue pour nos philosophes synonyme d'utilité (…)
La beauté est ce qui nous donne le sentiment de mystère métaphysique sans (que nous ressentions notre) épouvantable solitude dans l'univers.
Les gens de l'avenir (d'aujourd'hui) ne ressentiront pas le mystère de l'existence, ils n'en auront pas le temps et, de surcroît, ils ne seront jamais isolés dans la société future idéale.
Pourquoi donc vivront-ils ? Ils travailleront pour manger et mangeront pour travailler…( !) ".

N'était-ce pas véridique et annonciateur des temps présents que nous vivons !?!
On s'aperçoit que Witkiewicz est un grand visionnaire, il sent et voit, bien en avance sur son temps, l'évolution négative de la société humaine, étouffant la liberté individuelle des citoyens de ce monde, selon Witkiewicz l'homme se précipite dans une course sans cesse accélérée vers la " moutonisation ", la " bestialisation ", " l'idiotisation générale " qui le conduira vers sa propre fin !
Donc puisque la religion, l'art et la philosophie sont en total déclin, la civilisation et l'humanité vont s'écrouler, en fait il annonce un nouveau moyen-âge pire encore que le précédent, ce sentiment provient en grande partie des horreurs de la guerre de 1914-18.
A son sens, deux choses valent encore la peine d'être tentées: la réflexion philosophique et la régénération de l'art grâce à la " forme pure ".
La définition d'une oeuvre d'art de forme pure, selon lui, c'est " l'unité dans la multiplicité"; c'est une définition parallèle à celle de la monade humaine dans sa philosophie.
L'œuvre d'art est, dans son unité, le reflet de l'individu qui la crée, elle est la transposition en " forme pure " dans son sentiment métaphysique qu'il doit transmettre au spectateur et à l'auditeur.
Mais aujourd'hui l'artiste ne peut plus retrouver cette " forme pure " qu'au prix de la déformation de la vie et de la nature, il ne fait que transformer la vision de sa réalité.
Witkiewicz prédit aussi que l'artiste sera considéré comme fou, débile, dangereux dans la société de l'avenir, poursuivi pour ses oeuvres et traqué par le pouvoir central, car l'artiste refuse la robotisation, la standardisation de l'individu et de ses libertés.

En ce qui concerne sa théorie de la forme pure et son théâtre, la convergence avec le surréalisme est très nette : le charme du rêve, la découverte de l'inconscient.
Six années avant le 1er manifeste du surréalisme, nous avons des ressemblances assez nettes avec celui-ci chez Witkiewicz, qui pourtant considère tous ces mouvements d'avant-garde comme des " blagues ne servant qu'à épater les bourgeois ".
Son théâtre est étrange, fantastique, surréaliste, le tragique y est intimement lié au grotesque, à l'absurde, l'irrationnel et l'irréel sont entrecoupés de brusques plongées dans la brutalité, où artistes, savants fous, tyrans et militaires de tout poil, réformateurs politiques et religieux, aristocrates et travailleurs-robots se côtoient; ses pièces se présentent sous la forme d'une comédie dans la comédie, c'est un théâtre auto-thématique: le thème unique, c'est lui, ses pensées, ses fantasmes, ses théories, sa vie…la dette de Witkiewicz envers le freudisme est flagrante.
Le complexe œdipe est étalée à travers toute son oeuvre, bien qu'il veuille supprimer la psychologie au théâtre, mais l'élément essentiel de son théâtre est le " jeu ", avec le langage, le geste, les personnages, la psychologie, les accessoires et surtout le jeu avec les fondements de la vie , de l'existence son théâtre est en fait une parodie de la vie.
On peut se demande si Witkacy à atteint son but: la salle est-elle vraiment parcourue par un frisson métaphysique ?
Son théâtre est-il devenu l'équivalent du théâtre antique ? On peut en douter, car si le malaise métaphysique est atteint à certains moments, le jeu engendre le grotesque et provoque le rire grinçant du public, un rire de défoulement !


Les Thèmes chez Witkiewicz

Witkiewicz met en scène les thèmes de la dégradation, de la destruction de la civilisation, c'est en quelque sorte le catastrophisme…
Dans ses œuvres il prédit l'apparition d'une nouvelle race d'hommes sans pitié, sans âme et sans pensée individuelle.
La masse abrutie de l'humanité de demain est fondamentalement l'ennemie de l'homme qui pense !
Bien qu'il ne soit pas contre le communisme en tant que parti politique, il s'oppose à une évolution historique qu'il sait inéducable et qui conduit à ce qu'il nomme le " nivellisme "; Witkacy condamne violemment toute forme de dictature fasciste (que mène la démocratie libérale et le capitalisme sauvage) et autres formes de pouvoir qui répriment la libre expression, le fascisme est l'incarnation du " pragmatisme ", c'est-à-dire de l'opportunisme.

Le thème de l'ennui est également un élément nouveau dans le théâtre européen; c'est la première fois que l'ennui est élevé au rang de catégorie artistique (comme chez S. Beckett et le théâtre de l'absurde).
En fait cet ennui va changer de qualité et devenir le lot de tous dans la société mécanisée et sans âme de l'avenir, ainsi la mort est inspirée par le fait même de vivre.
Le suicide comme seule issue du problème annonce un des grands courants de la pensée européenne: l'existentialisme.
Witkiewicz traitait la philosophie d'une façon très sérieuse.
Vis-à-vis de la peinture et de la littérature il gardait souvent une distance ironique, mais vis-à-vis de la philosophie jamais!
Et cependant ce ne sont pas les traités de philosophie et les romans qui donnèrent à Witkacy sa place dans la culture européenne et mondiale.
Witkacy est un artiste exceptionnel qui à la fin devint " obsédé", gaspillant près de 10 ans de sa vie à écrire de longs et ennuyeux traités de philosophie qui ne devaient être lu par presque personne… (!)
Mais une chose est sûre: sa philosophie a eu jusqu'à présent en écho assez minime, et même indirect, à travers sa théorie esthétique et sa littérature.




Pourquoi la philosophie de Witkacy vaut-elle la peine de lui consacrer quelque attention ?

Ici, c'est la valeur philosophique même de Witkacy qui est en cause, abstraction faite de l'intérêt que doivent éveiller, par la nature des choses, les grandes idées universellement reconnues du dramaturge d'avant-garde déjà devenu classique, du créateur d'une théorie moderne de l'esthétique (la "forme pure") et du romancier original.

Il devançait en cela son temps, il était novateur et passait universellement pour un précurseur en art, bien qu'en philosophie il se sentait assez isolé ( !)
Dans sa philosophie on peut distinguer 3 parties: ontologie (le monadisme biologique), théorie de l'art ( théorie de la forme pure) et historiosophie (le catastrophisme).
Sans m'égarer vers une analyse profonde dans cet univers interne, je dois encore ajouter que chez Witkacy la totalité de l'être se réduit à 2 domaines: il oppose le "MOI", c'est-à-dire la subjectivité de l'être, au monde environnant et il oppose le spatial au temporel.

En guise de conclusion, on peut affirmer que Witkiewicz est un précurseur dans le théâtre européen, car il annonce déjà le théâtre de l'absurde (Ionesco, Genét, Adamov, Beckett), il exprime dans son théâtre ses obsessions intimes, la métaphysique qui l'angoisse et l'isolement de l'individu dans l'univers hostile, il réalise la rupture des catégories tragique et comique.
Ainsi, cet exceptionnel dramaturge, qui dès l'âge de 8 ans compose déjà toute une série de tragédie shakespearienne, écrivit un jour qu'il espérait la publication de ses œuvres complètes vers le milieu des années '50, il ne s'était trompé que de quelques années, et c'est à titre posthume que le public polonais lui fit honneur et pris place dans la légende des grands noms de la littérature et du théâtre polonais…

Je vous conseillerai personnellement de lire les romans: " les 622 chutes de Bungo ", " Les Cordonniers " et " La Sonate de Belzebuth " , je précise toutefois qu'il n'est pas aisé de trouver les œuvres de Witkiewicz.
Certains sites sont également intéressant à consulter : Witkacy.zakopane.pl et cyf-kr.edu.pl/zakopane/muzeum

 

Œuvres connues de Witkacy
Romans : " L'Adieu à l'automne ", " l'Inassouvissement ", " les 622 chutes de Bungo ", " la seule issue "
Théâtre : " Yanulka, fille de Fizdejko ", " la Mère ", " le Fou et la Nonne ", " la Poule d'eau ", " Eux ",
" l'œuvre sans nom ", " Gyubal Velleytar "

Sources : « Cahier Witkiewicz Nr 5 »
Witkiewicz et la philosophie, 1984 Ed. l’Age d’Homme, suisse
Textes rassembles par B. Michalski

«S. I. Witkiewicz génie multiple de Pologne »
Ed. l’Age d’Homme, 1981, Suisse
Mélange d’etudes, de dessins, de peintures rassemblés par Alain Van Crugten
à l’occasion du festival Witkiewicz à Bruxelles en novembre 1981
- la philosophie de la menace par B. Michalski
- catastrophisme et inassouvissement (les romans) par Alain Van Crugten
- le théatre de Witkacy par jan Blonski
- le photographe par Urszula czartoryska

Cours de litterature contemporaine de l’U.L.B. donné par Mr Alain Van Crugten

Murat Yurdum

muratko@beskid.com



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