Enigma.
Les
Allemands commencèrent à coder et à décoder
leurs messages radio automatiquement à partir des années
1926-1928, grâce à l'utilisation d'une machine à
chiffrer et à déchiffrer baptisée "Enigma'',
inventée par A. Scherbius.
Les services du Renseignement polonais se rendirent compte que les
Allemands utilisaient une machine à chiffrer que leurs spécialistes
(cryptologues) n'arrivaient pas à décoder. Pour pallier
cette lacune, un groupe de 3 éminents mathématiciens
(M. Rejewski, J.Rozycki et H.Zygalski) fut alors affecté
aux services du renseignement.
Le capitaine G. Bertrand, responsable de la section française
de décodage, se rend à Varsovie à la suite
d'une information communiquée par les services secrets polonais,
informant qu'une équipe polonaise étudie la machine
allemande. Une collaboration étroite s'instaure alors entre
les deux services avec échange d'informations. G. Bertrand
trouve dans son homologue polonais un correspondant actif et remarquable.
Treize liaisons de G. Bertrand à Varsovie et des services
polonais à Paris seront effectuées pour suivre l'évolution
de cette recherche: la réussite fut totale. Les ingénieurs
et spécialistes polonais réussirent bientôt
à percer le secret d'Enigma et à lire le chiffre employé
par cette machine. De plus, l'équipe polonaise parvint à
construire plusieurs de ces machines Enigma.
Le 24 juillet 1939, la menace de guerre devint plus précise,
le capitaine G. Bertrand, lors d'un nouveau séjour à
Varsovie, reçoit de la part des services polonais deux exemplaires
reconstitués de la machine Enigma. Les deux engins sont transférés
à Paris par la valise diplomatique, et l'un d'eux est remis
aux services britanniques de ''L'Intelligence Service''.
Malheureusement pour la Pologne, juste avant la campagne de septembre,
les Allemands changèrent la clé de leur machine Enigma
et les cryptologues polonais ne purent la redécouvrir à
temps. Néanmoins les spécialistes polonais, réussirent
à passer en Roumanie avec deux de leurs machines à
chiffrer, puis en France.
A la déclaration de guerre, le capitaine
Bertrand installe son service de décodage au château
de Vignobles à 40 km au sud est de Paris. Il intègre
dans son équipe les spécialistes polonais, ainsi qu'un
officier de liaison britannique. Le 28 octobre 1939, après
avoir travaillé jour et nuit, l'équipe de décodage
parvient à maîtriser les modifications apportées
à Enigma par l'état-major allemand. A partir de ce
moment et jusqu'au 14 juin 1940, environ 5 000 dépêches
allemandes sont ainsi décryptées. Les messages interceptés
sont essentiellement ceux de la Luftwaffe au trafic plus volumineux
que celui de la Wehrmacht qui utilisait un réseau télétype-fil
échappant à l'interception.
Après l'armistice de juin 1940, les ingénieurs
polonais poursuivirent leur travail avec les services du renseignement
du capitaine Bertrand en zone libre jusqu'à l'occupation
de la zone Sud par l'armée allemande. Après cette
date, l'équipe polonaise gagna clandestinement Londres par
l'Espagne, pour utiliser la machine Enigma au service des Anglais.
Après juin 1940, les Britanniques redoublèrent d'efforts
en créant près de Londres un centre de cryptologues
où l'on rebâtit un système appelé ''Ultra''
fondé sur la machine Enigma. Le rôle joué par
''Ultra'' fut énorme et permit aux Alliés de déchiffrer
les opérations allemandes, notamment pendant la Bataille
d'Angleterre de 1940, ou lors du débarquement de 1944 en
Normandie. Selon le président Churchill, ''Ultra'' constituait
la source miracle, et pour le général Eisenhower son
rôle était souvent décisif dans la conduite
de la guerre.(13) (22).
(
La machine Enigma virtuelle )
Le réseau F2. (19)
En
juillet 1940, trois officiers polonais récemment démobilisés
par le centre de démobilisation de Toulouse, et membres d’une
organisation polonaise d’évacuation de soldats vers
Gibraltar via l'Espagne, se rendirent compte de l’importance
énorme que représenterait leur organisation sur les
arrières de l’ennemi dans le domaine du renseignement.
Ces anciens officiers du renseignement polonais, le Cdt Zarembski,
pseudonyme "Tudor", le Cdt Slowikowski "Ptak"
et le Cdt Czerniawski "Armand", de leur propre initiative,
sans ordre, et sans argent, rassemblèrent autour d’eux
un groupe de volontaires polonais et français. Ils construisirent
leur propre poste radio et le 22 août établirent de
Toulouse, un premier contact radio avec Londres. La première
cellule d'un réseau de Résistance Polonais venait
d’être créée en France....
Le 6 septembre 1940, Londres décida d’envoyer en France
le capitaine de corvette Tadeusz Jekiel, pseudonyme ‘’Doctor’’,
délégué par la Marine polonaise, pour organiser
le renseignement maritime et de transmettre au Cdt Zarembski, la
responsabilité de ce réseau. Ce réseau fut
appelé ''F2'', ''F'' pour France et ''2'' car le mouvement
succédait à une organisation de renseignement des
forces navales polonaises.
Dès lors, les responsables polonais du réseau oeuvrèrent
pour étendre leur action à l'ensemble de l'hexagone.
Dans ce but, ils cherchèrent très tôt à
impliquer dans leur lutte le maximum d'officiers et de citoyens
français. Leur politique de recrutement se basait sur l'argumentaire
suivant:
- devant l'envahisseur, les différences de nationalité
et d'opinions disparaissent, seul l'ennemi commun importe,
- en 1940, ''F2'' était, en France, pratiquement le seul
réseau organisé, qui pouvait communiquer avec Londres,
et qui proposait une opportunité de lutte contre l'envahisseur
à des individus remarquables,
- ''F2'' étant organisé par des Polonais, les volontaires
étaient ainsi convaincus dès le départ, que
la seule politique menée par le réseau serait celle
de nuire le plus possible à l'ennemi.
Les premiers rapports et dépêches
expédiés par le réseau partirent de Toulouse
pour Londres le 15 septembre! En décembre 1940, avec 200
résistants, le réseau était pleinement opérationnel
et organisé en cinq secteurs, rattachés à un
centre de pilotage et de coordination.
1-secteur Toulouse: responsable
''Rab'' (S. Szymanowski). Ses agents contrôlent les régions
Toulousaine et des Pyrénées. ''Rab'' possède
un poste radio autonome.
2-secteur Lyon: responsable ''Franta'' (M Kamienski),
dont les agents contrôlent tout la région Lyonnaise.
3-secteur Aviation implanté à Lyon:
responsable ''Panhard'' (W.Krzyzanowski) avec comme spécialité
le renseignement concernant l'aviation, les mouvements des divisions
allemandes, et l'organisation des passages au travers de la ligne
de démarcation.
4-secteur Marine, implanté à Nice:
avec ''Doktor'' comme responsable (T.Jekiel) assisté de ''Jean
Bol'' (L.Sliwinski). Centre spécialisé dans la surveillance
des bateaux ennemis, des arsenaux des chantiers maritimes et des
diplomates. Sont ainsi surveillés les ports de:
. Marseille avec "François'' (F.Horowicz), ''Gynécologue''
(S.Fuchs), et ''Claude'' (Toussaint Raffini),
. Toulon par ''Fock'' (Gaston Havard) et ''Volta'' (André
Brun),
. Brest avec ''Edwin'' (Gilbert Foury),
. Bordeaux avec ''Ervin''.
Au secteur Marine est également attaché une antenne
de renseignements politiques et économiques à Vichy,
avec comme responsable ''Callixt'' (W.Potocki). Cette cellule maintient
des contacts avec les diplomates des pays neutres et surveille l'activité
des diplomates allemands.
5-centre de Paris: avec ''Armand'' (M. Czerniawski),
dont les premiers rapports arrivent à Marseille le 20 novembre
1940. Le 15 mai 1941, ''Armand'' réussit de Paris sa première
liaison radio avec Londres et parvient à construire 5 émetteurs
radios qu'il implantera dans la banlieue parisienne...
Le centre de coordination est installé à Marseille
sous l'autorité du chef du réseau ''Tudor'' (Cdt Zarembski).
C'est là qu'arrivent tous les rapports bi-hebdomadaires des
secteurs spécialisés. ''Tudor'' travaille avec ''l'équipe
300'' constituée de cryptologues polonais, passés
en zone libre, spécialistes du déchiffrage des messages
radio de l'armée allemande (Enigma).
Jusqu'en 1941, les rapports gagnèrent Londres
en transitant par la Suisse. Ultérieurement ils transitèrent
par la Légation des USA à Vichy, ensuite par Gibraltar
et à nouveau par la Suisse.
La liaison par Gibraltar s'effectue, en 1942, à l'aide d'un
petit bateau de la marine de guerre polonaise (commandé par
le Lt Buchowski) venant une fois par mois procéder aux enlèvements
des rapports et des hommes ''brûlés''. L'opération
se déroulait de nuit entre St Raphaël et Cannes.
Les rapports sont rédigés après une analyse
critique. Une synthèse est ensuite élaborée
et dactylographiée. Les pages de la synthèse sont
microphotographiées en deux exemplaires et l'original dactylographié
est détruit. Les premiers rapports étaient constitués
de 150 à 800 pages...
Malgré les rafles, les traques, les arrestations, les déportations
et les exécutions, le réseau réussit à
maintenir son organisation et à subsister tout en étant
actif jusqu'à la fin du conflit... ce qui est déjà
exceptionnel en soi. Si un résistant de la première
heure était ''brûlé'' ou exécuté,
un autre résistant se levait aussitôt et se déclarait
volontaire pour continuer la mission du disparu. C'est ainsi que
l'on assista progressivement au remplacement des Polonais par des
combattants français. Ce processus s'amplifia après
l'occupation de la zone libre, car Londres recommandait de ne laisser
aux postes à responsabilité que des ''Polonais pouvant
passer pour des Français''. Le nombre relatif de Polonais
et de Français du réseau changea progressivement,
mais ses objectifs et les principes appliqués restèrent
les mêmes.
A la fin de 1941, sur 250 Résistants du réseau, 40
étaient Polonais et à l'avènement de la Libération,
la grande majorité des 2800 combattants de l'ombre étaient
Français.
Le réseau ne cessa de s'étendre pour finalement couvrir
tout l'hexagone. Des ramifications furent constituées vers
l'Italie, l'Afrique du Nord, la Belgique et la Hollande. Pour traiter
d'un sujet de l'importance de F2, il serait nécessaire de
lui consacrer un ouvrage entier. Néanmoins l'on peut citer
quelques exemples de sa contribution:
- dès 1941, le réseau attira l'attention de Londres
sur la probabilité d'une intervention allemande en Afrique,
grâce au signalement du transport d'unités blindées
en Italie et de l'existence de camps d'entraînement en Prusse
pour la guerre du désert. En février, l'observation
du port de Naples permet d'établir le départ des premières
unités de l'armée Rommel pour l'Afrique. Le paquebot
''Monte Rosa'', signalé par message radio fut torpillé,
ce qui coûta la vie à 7.000 soldats allemands.
- le réseau transmit aux Alliés les structures et
les emplacements du système de fortification du mur de l'Atlantique.
- il réalisa le suivi du trafic des bâtiments de guerre
ennemis dans les ports de la Méditerranée et de l'Atlantique.
Aucun U-boat ne pouvait entrer ni sortir d'un port sans être
enregistré, ainsi que ses motifs de réparation et
durée d'immobilisation dans les arsenaux.
- il fit l'analyse des résultats des bombardements d'arsenaux
et d'usines d'armements.
- il situa un grand nombre de lieux de construction des rampes de
lancement des bombes volantes contribuant ainsi à leur destruction.
- il localisa l'implantation de la défense aérienne
sur l'ensemble du territoire français.
Malheureusement, le réseau F2 paya un lourd
tribut pour ces résultats. 294 Résistants furent mis
hors de combat dont: 85 morts, 151 déportés et 58
internés.
Un autre réseau polonais du Renseignement
fut crée à Alger par M Rygor Slowikowski. Les informations
envoyées par ce réseau au gouvernement polonais de
Londres et transmises aux Anglo-Saxons furent très utiles
pour l'organisation du débarquement des Alliés de
1942 en Afrique du Nord.
Le réseau polonais P.O.W.N.
(15) (16) (17) (22)
Dès
son installation à Londres, le gouvernement polonais en exil
s'engage dans la lutte clandestine sur le continent européen.
Le moteur en est la contribution active des citoyens polonais qui
y résident à résister contre l'envahisseur.
Le 19 novembre 1940, il met en place une organisation spéciale,
appelée ''Bureau d'action continentale'', chargée
de préparer et de diriger la lutte clandestine. Le responsable
de cette organisation de Résistance est M. Jan Librach, ancien
attaché de l'ambassade polonaise à Paris, qui bénéficiera
à partir de janvier 1941 de l'appui et de l'aide financière
du gouvernement britannique. Pour l'Europe occidentale, des antennes
furent très vite créées au Portugal, en Hongrie,
en Roumanie, en Italie, en Turquie, en Suède au Danemark
et en France. La lutte clandestine de France fut bientôt la
plus importante en nombre de participants car elle a pu puiser des
militants parmi les quelque 450.000 Polonais qui résidaient
là, et dans la partie de l'armée polonaise qui fut
démobilisée après l'armistice de juin 1940.
En mars 1940, A. Kawalkowski, ancien consul de Lille, réfugié
en zone Sud, élabora un projet d'action coordonnée
entre Londres et un groupe local d'officiers polonais démobilisés.
L'impossibilité d'évacuer toute l'armée polonaise
reconstituée en France vers l'Angleterre, explique la présence
en zone Sud d'un nombre important d'officiers, de sous-officiers
et de soldats. Ces hommes furent naturellement portés à
la poursuite de la lutte, lorsqu'ils pouvaient échapper aux
camps de travail du régime de Vichy. Ce mouvement, qui prend
en 1941 le nom de P.O.W.N ''Polska Organizacja Walki o Niepodleglosc''
(Organisation polonaise de lutte pour l'indépendance), s'implante
en zone sud à Lyon, et à Grenoble. A.Kawalkowski est
reconnu par Londres comme chef de ce réseau implanté
en France sous le pseudonyme de ''Justyn'', et reçoit ses
ordres du gouvernement polonais en exil. Les objectifs assignés
au P.O.W.N sont ainsi résumés:
- organiser la résistance partout où se trouvaient
des Polonais,
- exécuter des opérations de sabotage,
- faire de la propagande anti-allemande,
- organiser les services du Renseignements,
- préparer la mobilisation des Polonais de France,
- collaborer avec la Résistance française en remplissant
le rôle d'alliée, comme l'armée polonaise de
Londres remplit ce rôle à l'égard des Forces
Françaises Libres à l'extérieur de la France.
Le P.O.W.N. collabora très vite avec le
réseau ''F2''. Au début de 1942 ''Justyn'' cherchant
à accroître l'efficacité de son organisation,
réussit à s'implanter en zone occupée. Plusieurs
de ses hommes dont R.Szczesny ''Paul'' et T.Paczkowski ''Lubicz''
nouèrent des contacts fructueux avec les Polonais immigrés
dans les bassins miniers du Nord, de la Belgique et de la Hollande.
''Lubicz'' et ''Paul'' réussirent à fédérer
dans leur lutte le groupe ''Zorza'', (l'aurore). Ce groupe de résistants
polonais s'était constitué dès la fin de 1940
d'une façon spontanée. Il recrutait parmi les mineurs
polonais et les animateurs sociaux des cités minières.
Le groupe qui se constituait déjà de 400 ouvriers
mineurs, répartis en 80 cellules, adhère dans sa totalité
au P.O.W.N. Ses responsables L.Baron ''André'' et J.Ostrowski,
vont poursuivre le recrutement pour le P.O.W.N. étant informés,
mais sans le connaître, que ''Justyn'' est mandaté
par Londres.
En 1943, les responsables du mouvement s'installent à Paris.
L'organisation se renforce avec l'arrivée du Colonel A.Zdrojewski,
''Daniel'' envoyé par le ministère polonais de la
Défense, comme responsable militaire du mouvement et rattaché
à ''Justyn''.
Le P.O.W.N est un mouvement dont le but ultime est de délivrer
la Pologne du joug nazi, but dont la libération de la France
est la première étape. De 1941 à 1943, le P.O.W.N
travaille sur lui-même, se prépare et se renforce en
ne cherchant pas particulièrement à établir
des liens avec les réseaux français pour plusieurs
raisons:
- il est important de montrer ce dont sont capables des Polonais
sur une terre étrangère en combattant seuls. L'atavisme
joue, car depuis le 18ème siècle, les Polonais ont
appris à vivre sous une loi étrangère et à
lutter pour leur indépendance. Le sentiment patriotique national
est très puissant chez les immigrés, il est mobilisateur
et il aplanit les divergences politiques.
- les Polonais du Nord reproduisent leur environnement social et
ethnique d'avant guerre, dans lequel les populations de travailleurs
immigrés ne se mélangeaient pas aux populations françaises
et réciproquement.
- le P.O.W.N. est une organisation militaire, une partie de l'armée
polonaise de Londres. Ses combattants obéissent à
leurs chefs, comme ils avaient obéi à leurs officiers
de l'armée polonaise reconstituée sur les fronts de
Narvik, de Lorraine ou du Jura.
L'organisation procéda dès le début à
l 'émission de 4 journaux clandestins qui jouèrent
un rôle considérable pour la menée de sa lutte.
''Walka'' (combat) en automne 1941, presque aussitôt pour
la zone sud ''Komunikat'' (Communiqué), puis ''Sztandar"
(l'étendart) au printemps 1942, enfin à Paris ''Wyzwolenie''
(Libération) au printemps 1944.
Très
tôt le P.O.W.N. se voit assigné un plan d'actions militaires
conçu par le haut commandement allié en accord avec
le gouvernement polonais de Londres. Dans la perspective d'un débarquement,
sont prévus différentes actions par secteurs qui tiendraient
compte de l'évolution des combats. Plans appelés notamment
''Bardsea'', ''Monica'', nécessitant la mobilisation instantanée
de 5 à 600 combattants. Ces plans prévoyaient la destruction
de voies ferrées, de ponts, et de réseaux de communication,
afin de paralyser les déplacements des troupes ennemies.
Le P.O.W.N. ayant le potentiel et la capacité de cette mobilisation
, s'est vu assigner ces missions: il devrait collaborer avec les
détachements polonais parachutés, en harcelant l'ennemi
sur ses arrières (renseignements, sabotages, et lutte armée).
En 1943, la stratégie de combat de l'organisation s'infléchit
en fonction des nécessités de l'heure et une action
concertée est décidée avec les réseaux
français de la Résistance. Cette année là,
des rencontres entre ''Justyn'' et Georges Bidault avaient abouti,
le 28 mai 1944 à la signature d'un accord de coopération
militaire entre le général de brigade Chaban-Delmas
- Délégué Militaire National - et le Colonel
''Daniel'' pour le P.O.W.N. Cet accord stipulait que:
- les détachements militaires polonais s'intègreraient
dans les forces françaises de l'intérieur (F.F.I.)
en conservant leur commandement propre.
- ces détachements entraient dans le dispositif général
des F.F.I. et à ce titre étaient soumis au commandement
tactique français.
- après l'arrêt des combats victorieux, les combattants
polonais des unités de F.F.I. seraient remis à la
disposition du chef militaire des Forces polonaises en France.
A partir de ce moment, les militants polonais se rapprochèrent
de leurs camarades français, et contribuèrent ainsi
à créer des liens entre les communautés. Les
unités secrètes polonaises entrèrent dans la
lutte ouverte sur tout l'hexagone, avec l'implication de 14 bataillons
de combat dont 3 batteries. Dans la zone Sud, les maquis français
accueillent les combattants polonais du P.O.W.N. trop dispersés
pour pouvoir lutter seuls. Ceux-ci se groupent en unités
placées sous commandement français, et se nomment
"Compagnies de Varsovie, de Silésie etc...". Il
est difficile d'établir un bilan exhaustif des actions du
mouvement polonais dont de nombreuses furent menées en collaboration
avec la Résistance française. Néanmoins on
peut préciser quelques unes de leurs réalisations
ainsi que des unités qui s'illustrèrent particulièrement:
- plus de 300 actions de sabotage furent réalisées
par eux.
- le bataillon polonais "Lvov" mena le combat en Corrèze
et dans le Cantal, et fut honoré de la Croix de Guerre pour
son courage.
- en juin 1944 dans le Vercors, les Polonais du bataillon de "Varsovie"
se battent, dont des militaires parachutés par Londres, dans
les rangs des maquisards. Les 20 et 21 juillet, les Allemands lancent
une vaste opération où les Résistants succombent
sous le nombre. Parmi les victimes se trouvent des élèves
et des professeurs du Lycée polonais des Batignolles à
Paris.
- en Haute Savoie, des Polonais enrôlés de force dans
la Wehrmacht, et qui furent constitués en unités secrètes
par le P.O.W.N., enlèvent aux Allemands le meilleur matériel
de guerre, neutralisent tous les nids de mitrailleuses et de batteries
qui retardent l'avance des troupes françaises venant de Provence.
- des bataillons de Polonais en Côte d'Or et en Haute Loire
furent récompensés de la Croix de Guerre pour leurs
actions.
- dans le Pas de Calais, des bataillons polonais détruisent
un train blindé, des chars et des engins blindés,
capturent un grand nombre de prisonniers.
- dans la lutte contre les V1 et V2, le P.O.W.N. localise les rampes
de lancement, permettant ainsi leur destruction par la RAF. A la
tête de ce service de renseignement s'illustra le Lieutenant
W. Wazny ''Tigre'', un ancien de l'armée polonaise en France,
en permettant la destruction de 127 rampes en deux mois. Repéré
le 19 août 1944, il fut abattu par les Allemands, alors qu'il
tentait de s'échapper.
- en août 1944, dès le début de l'insurrection
parisienne, un détachement du P.OW.N, fort de 300 hommes
en armes, et commandé par le Lieutenant Jagoszewski, dresse
des barricades, lutte dans le quartier du Marais, oeuvrant à
la libération du 4ème arrondissement. Un autre détachement
attaque le ministère de la Marine aux côtés
des F.F.I. On ne peut tout énumérer, mais on peut
affirmer que l'effort de combat du P.O.W.N. sous l'autorité
dynamique du colonel ''Daniel'' fut considérable.(16)
Les effectifs des combattants du P.O.W.N à
l'avènement du Débarquement s'élevaient à
8.000 hommes. Le groupe Nord comprenait: 1.000 membres au 31-12-1942,
3.000 membres au 31-12-1943, 5.000 membres au 6-06-1944. Il constituait
donc la majeure partie des combattants de l'organisation. Il est
à noter également que dans les familles de mineurs,
l'épouse ou la fille oeuvrait comme agent de liaison, ce
qui, en termes statistiques devrait gonfler fortement ces chiffres.
Après le débarquement, le P.O.W.N vit ses effectifs
grossir d'une façon spectaculaire. 4.000 d'entre-eux rejoignirent
la 1re Armée française.
La mention des actions du P.O.W.N. est faite dans un aide-mémoire
daté du 12 juin 1944, écrit à Londres et conservé
dans les archives de la France Libre. Cet aide-mémoire, confirme
que le gouvernement polonais de Londres prit dès la fin de
1940 des dispositions pour qu'une organisation secrète soit
formée au sein de la population polonaise en France. Il précise
aussi que ''cette organisation fut créée au début
de 1941 dans des buts identiques à ceux du mouvement de la
Résistance française organisée par le général
de Gaulle''.
La Milice patriotique polonaise.
Vers
la fin de l'année 1941, des Polonais s'impliquèrent
dans le cadre des ''Francs-tireurs et partisans"" (F.T.P.).
Leurs unités étaient dirigées par le commandement
central de la M.O.I (Main d 'Oeuvre Immigrée).
En avril 1944, les dirigeants communistes des organisations polonaises
en France, créèrent la "Milice patriotique polonaise".
Cette création était en liaison avec celle du "Comité
de libération nationale'' (P.K.W.N.), mis en place en Pologne
à Lublin par la Russie soviétique.
La stratégie de la Résistance communiste polonaise
en France consistait à entraîner derrière elle
la population immigrée contre l'Allemagne nazie en la faisant
aussi adhérer à la mise en place d'une démocratie
populaire en Pologne. Cette stratégie cherchait également
à contrebalancer l'influence du P.O.W.N., qui était
pro-londonienne, et hostile à cette idée.
On peut également citer quelques unes des actions exemplaires
menées par les Polonais impliqués dans le cadre des
réseaux de combat des F.T.P.:
- le colonel Gilles, commande les F.T.P. de la région parisienne;
ce pseudonyme est celui d'un Polonais, Jozef Epstein, qui multiplie
en 1943 les actions contre l'ennemi grâce à sa tactique
des attentats en ville au moyen de forts détachements. Capturé,
il est fusillé au Mont-Valérien.
- en septembre 1944, un bataillon de F.T.P. polonais participe avec
bravoure à la bataille d'Autun. D'autres F.T.P.-M.O.I., luttent
pour la libération d'Albi. (15) (16) (17) (22)
Le Mouvement de Résistance des forces
armées polonaises.(15)
De nombreux militaires polonais qui n'avaient
pas pu gagner Londres en juin 1940 et qui avaient été
démobilisés en zone Sud, furent internés par
les autorités de Vichy, et constitués en ''Compagnies
de travail''. Plusieurs milliers se sont structurés en organisation
autonome de résistance sous l'autorité du général
Kleeberg. Dans l'attente de l'avènement d'un débarquement,
ils pratiquent l'instruction militaire, organisent des passages
à travers les Pyrénées pour Gibraltar et gardent
le contact avec le général Sikorski à Londres
en lui transmettant des informations. Après l'occupation
de la zone sud, ce groupe passe dans la clandestinité et
rejoint en 1944 les rangs du P.O.W.N.(15)
Combien étaient-ils?
Les principales structures de résistance
dans lesquelles des Polonais s'impliquèrent peuvent être
ainsi énumérées:
- les Forces armées polonaises en France,
- l'Action continentale, en charge de l'évacuation des soldats
polonais vers l'Angleterre, qui fonctionna jusqu'à la Libération,
- le P.O.W.N.,
- les réseaux de renseignements mis sur pied à l'initiative
du 2ème bureau de l'état-major polonais à Londres
avec les réseaux "F" et "F2" et "Afrique
du Nord",
- la Milice patriotique polonaise.
Janine Ponty dans son étude, dénombre 18.000 Résistants
actifs à l'avènement du Débarquement. Soit
un ratio d'implication des Polonais dans la Résistance de
4% (sur 450.000 Polonais établis en France). Ce qui est impressionnant.
(15)
Après le débarquement des Alliés en Normandie,
toutes les organisations de Résistance polonaises, lancèrent
dans le combat tous leurs effectifs, grossis alors considérablement
par de nouveaux volontaires. Différents auteurs dont K.Bartosek
(15) et T.Wyrwa (22), effectuèrent des estimations dont il
ressort un éventail de 30 à 50.000 Polonais impliqués
dans les combats pour la libération de la France. Durant
toute la durée du conflit, un grand nombre de Résistants
polonais tomberont au combat, ou seront déportés.
Perte de 5.000 hommes…
Les 20 et 21 octobre 1995, fut organisé
à Paris un colloque consacré à la Résistance
polonaise durant la Deuxième Guerre mondiale, sous la présidence
de M. J.Chaban-Delmas et de M J.Lukaszewski, ambassadeur de Pologne
en France. Colloque organisé à l'occasion du 50ème
anniversaire de la Victoire de 1945, par la Société
Historique et Littéraire polonaise de Paris.
Jean Medrala |