Lors d’un séjour
à Paris avec son ami d’école Podkowinski,
Pankiewicz reste très attentif au courant artistique en
vogue, l’impressionnisme. Il y approfondit sa technique
et forge sa personnalité artistique. De retour en Pologne,
dans son travail en plein air, l’artiste revient fréquemment
aux expériences parisiennes. Son lieu de prédilection
est Kazimierz nad Wisla. Là-bas, en 1890, né le
fruit de ses recherches dans le domaine de la lumière,
de l’espace et de la couleur,
le paysage « Woz z sianem » (Charrette de foins).
Pankiewicz rend parfaitement le « sentiment de la nature
» grâce aux couleurs claires : jaune, vert, bleu,
en les appliquant en touches irrégulières. Ses autres
œuvres de cette époque sont elles aussi, imprégnées
des émotions impressionnistes : « Pejzaz z Czarnolasu
» (Paysage de Czarnolas), « Droga w Kazimierzu »
(Route à Kazimierz), « Okolice Kazimierza Lubelskiego
» (Environs de Kazimierz Lubelski) et enfin « Lato
» (l’été) – composition presque
abstraite où l’artiste pratique une technique de
pointillisme en juxtaposant des couleurs verte et jaune verte.
En 1890 Pankiewicz présente
son œuvre au salon Krywulta et, comme son ami Podkowinski,
devient une victime des attaques des critiques et du public. Cette
expérience douloureuse marque un tournant dans sa création.
L’artiste s’éloigne
de l’impressionnisme claire à la lumière tamisée
et réduit sa palette de couleurs. Il s’oriente vers
le monochrome et les ombres. Dans les années 1892-1897
il peint une série de nocturnes : « Rynek Starego
Miasta w Warszawie noca » (Vieille ville de Varsovie la
nuit), « Labedzie w ogrodzie Saskim » (Cygnes dans
le jardin Saski), « Dorozka noca » (Fiacre la nuit).
Ce sont des compositions encore impressionnistes, mais exprimées
à travers une palette de couleurs gris, noir et de temps
en temps illuminées des effets jaunes et blancs. De ses
nocturnes résulte le désir de découvrir le
secret de la nuit parce que c’est elle qui sépare
l’homme du monde.
Pankiewicz inspiré
par la peinture de James Whistler, se révèle un
artiste exceptionnel dans le portrait. A la demande de son
ami Adam Oderfeld il réalise une série de portraits
de membres de sa famille : « Portret zony z corka »
(Portrait de l’ épouse avec la fille) et en 1897
deux portraits de fille « Dziewczynka w czerwonej sukni
» (fille en robe rouge). Ces œuvres sont considérées
très proches de la peinture de Whistler où un modèle
plein de charme est présenté de face sur fond doré
qui révèle les détails expressifs du visage.
L’amitié avec Feliks Jasienski, un passionné
de l’art japonais, influence notre artiste sur le choix
des sujets de ses futures
créations. En 1908 il peint dans son atelier de l’Ecole
des Beaux Arts « Portret Feliksa Jasienskiego przy fortepianie
» (Portrait de Feliks Jasienski au piano) et « Japonka
» (Japonaise).Tous les accessoires y sont : paravent, petite
table, vase, gravure sur bois accrochée au mur. Le jeu
des couleurs intenses (rouge, bleu, jaune) souligne davantage
la beauté de la Japonaise dans toute sa splendeur.
Pankiewicz se montre également passionné par l’art
japonais et en 1911 renouvelle cette expérience prenant
comme modèle son épouse pour le tableau «
Uspiona » (Endormie).
Depuis 1908 Pankiewicz habite à Paris. Il observe la mixité
des courants artistiques ainsi que les artistes d’une renommé
incontestable : Pierre Bonnard et Paul Cézanne. Pankiewicz
tisse les liens très proches avec Bonnard, ils partagent
le même culte pour les couleurs et les maîtres impressionnistes.
Dans les années
1908-1914 il effectue de nombreux voyages au Sud de la France
et ses paysages se situent à St Tropez, St Valey-en-Caux,
Collioure. Il y découvre l’intensité de la
luminosité méditerranéenne avec ses couleurs
gaies et éclatantes comme la vie. Il est séduit
par la couleur du ciel bleu et limpide, la côte rocheuse
ou un port de pêche. Dans les années 1906-1908 Pankiewicz
peint des natures mortes. Ce sont des compositions avec vases
et tissus japonais comme « Budda i lewkonie », «
Anemony » (Anémones), « Zlote rybki »
(Poisson dorés), « Wazon perski » (Vase persan).
En arrivant en France en
1908 l’artiste change radicalement sa vision de la peinture.
Il reste fidèle à ses sujets
préférés, paysage, natures mortes, mais sous
l’influence de la création de Cézanne, Pankiewicz
révise sa technique . Ces changements sont bien perceptibles
dans « Martwa natura z owocami i nozem » (Nature morte
aux fruits et couteau). Pankiewicz modifie la disposition de natures
mortes, il analyse le tableau du point de vue formel : composition,
couleurs et contours. Partant du principe que c’est la première
impression qui compte et sa représentation passe au second
plan, Pankiewicz se concentre sur le jeu des couleurs. Pour lui
le tableau devient surtout un foyer lumineux exprimé par
des plages de couleurs pures.
Pendant la première guerre mondiale Pankiewicz séjourne
à Barcelone et Madrid. Il fait connaissance de Robert Délaunay
dont il partage l’atelier un certain temps. Pankiewicz reste
sous son influence et découvre une nouvelle manière
de représenter la réalité – le cubisme.
De l’époque « de la couleur pure » et
des formes cubistes, datent les tableaux : « Ulica w Madrycie
» (Rue à Madrid) (1916), « Taras w Madrycie
» (Terrasse à Madrid) (1917). Il utilise des plages
de couleurs souvent violentes et intensément lumineuses,
principalement les nuances rose-violet et vert agressif .
Après
la I ère guerre Pankiewicz s’installe de nouveau
à Paris. Et en 1923 décide de retourner au pays
où il accepte le poste de professeur à l’Académie
des Beaux-Arts à Cracovie. A cette époque il désavoue
sa production antérieure. Il rejette en bloc toutes les
autorités jusqu’à présent très
honorées. Il critique la peinture du XIX et XX siècle,
notamment celle de Jacques Louis David et Eugène Delacroix,
ainsi que les œuvres de ses anciens amis Pierre Bonnard,
Gustave Courbet et Paul Cézanne. Il rejette également
toute son expérience puisée du cubisme durant son
séjour en Espagne. Il s’oriente vers la peinture
traditionnelle. Sa conception de la peinture est modifiée.
« Elle doit exprimer la perception visuelle et aussi ce
que les yeux pourraient voir en transposant les visions en formes
et en couleurs à l’aide des teintes ». En 1925
il peint « Kwiaty w szklanym flakonie » (Fleurs dans
un vase en verre) sa toile confirme le changement de son style
: d’abord le dessin, ensuite valeur et couleur. L’artiste
est décédé à Marseille en 1940.
Aleksandra
avec l'aide précieuse de
Kat